Des voyages sans retombées pour le pays, des voyages assimilables à une simple villégiature sans fin. Alpha Condé était à Davos, le samedi 25 janvier 2014. Au même moment pourra-t-on dire. Il est revenu à la maison sans rien dans sa gibecière. Ni contacts, ni projets, ni programmes. Il a pu quand même faire des déclarations. Et des interviews. Celle qui a beaucoup retenu l’attention est comme on peut l’imaginer, celle tenue à l’endroit de ses opposants.
Autant les opposants, notamment les anciens Premiers ministres sous le magister de Lansana Conté tancent sans ménagement la gouvernance d’Alpha Condé, « à cause du manque de résultats, de l’amateurisme de certains ministres, du critère tribaliste dans le choix des hommes », autant le président guinéen n’est pas tendre avec Sydia et Cie. Il a toujours été comme cela. Sans jamais varier. Le même ton, le même langage et la même dénonciation. Les anciens Premiers ministres sont irrémédiablement mis sur le gril Condé.
En guise de représailles, ceux-ci ne le font pas dans la dentelle. Condé réitère en tout cas sa position. « Mes opposants? Vous parlez des anciens Premiers ministres? Comme le président Conté, un militaire qui disait lui-même ne rien connaître à l’économie et qu’il comptait sur les premiers ministres pour prendre des décisions qu’en tant que technocrates ils estimaient bonnes pour la nation. Leur bilan est accablant », a déclaré Alpha Condé dans la presse suisse. Comme pour souiller ses opposants, Condé accorde une autre interview à France 24. Audits et anciens Premiers sont au menu. « L’opposition est constituée par des anciens premiers ministres, qui ont gouverné pendant trente ans; si le pays est là où je l’ai trouvé, c’est bien leur responsabilité. J’ai commis l’erreur de ne pas publier les audits, cette fois, je vais les publier, pour que les gens connaissent la vérité sur ces prétendus opposants qui sont tous des anciens ministres. Je constate tout simplement que le pays a été mal géré par ces gens-là et que je n’ai pas besoin d’eux dans mon gouvernement. C’est tout », avait-il déclaré. Le temps aura donné raison à certains qui avaient vu en ces déclarations fallacieuses, de la poudre aux yeux. Non seulement, dans son gouvernement (Présidence de la République) on retrouve d’anciens hauts commis de Conté, mais aussi et surtout, lors de son discours de nouvel an, il avait demandé de l’aide à ses opposants.
Après quatre années de gestion approximative, clanique et militante de la chose publique qui a eu pour conséquence directe, le désastre et les détournements le tout sur fonds d’impunité, Alpha Condé, manifestement au milieu du gué, pense enfin, à l’unité nationale, à, tenez-vous bien, « une nouvelle gouvernance, fondée sur une large ouverture politique. »
A l’entame donc de son dernier tour de piste à la tête de l’Etat, Alpha Condé demande de l’aide. Une hypothétique aide. D’où qu’elle vienne. Mais surtout attendue du côté des opposants, « ces rigolos, petits comptables et nains politiques ». A l’épreuve du pouvoir, le président Condé revient sur terre car, « le monde change et nous apporte chaque jour de nouveaux défis à relever. Dans cette lutte, je voudrais demander à chacun d’entre vous tous de faire preuve, en 2015, d’un sens accru de responsabilité et de maturité pour préserver l’unité nationale, en ne perdant jamais de vue les grands desseins que nous nourrissons tous pour notre pays. » Conscient que le cheval qu’il a toujours enfourché jusque-là est des plus tocards, le chef de l’Etat mise sur ‘’le construire ensemble’’.
Le président guinéen sait pertinemment que « Notre démocratie a besoin d’un espace de dialogue où chacun joue son rôle, le pouvoir comme l’opposition. (…) l’opposition dispose désormais d’un statut. » Cette lecture du climat politique est loin de rassurer l’opposant le plus crédule. Néanmoins, Alpha Condé veut – crispation politique oblige – faire de la Guinée de demain « une terre de cohésion, de concorde et de prospérité économique. » A cet autre sommet-là, Condé risque de tenir un autre discours. Davos ce n’est vraiment pas Davos. Quitte à dire des contrevérités. Pour se faire plaire.
Jeanne Fofana, www.kababachir.com
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