Il avait presque perdu l’usage de ses yeux. Il était malmené par une hypertension artérielle. Bref, rien ne lui prédisposait à partir à la Mecque cette année. Mais les enfants (un établi à Washington, un autre à Luanda et le 3è fait la Communication institutionnelle en France) de Mamadou Bobo Bah, 72 ans, tenaient coûte que coûte à envoyer leur vieux père. La famille Bah a donc mis les bouchées doubles à cet effet. Le vieux a été soigné des ses maux. Bien requinqué, apte à réaliser son dernier rêve aux Lieux saints de l’Islam.
Il fait partie de ceux qui ont prié pour que le virus maudit Ebola s’en aille. Il a rêvé jusqu’à la dernière minute des largesses du Royaume d’Arabie Saoudite. Mais, finalement, l’illusion de la famille Bah a vite fondu comme peau de chagrin. De gros moyens ont été engloutis pour cette famille. Seulement, « Dieu n’a pas voulu. Et c’est lui seul qui peut autoriser quelqu’un d’aller à la Mecque ou de rester ou encore d’aller mourir là-bas. C’est une question de destin », dira en substance le vieil homme, plutôt peiné pour ses enfants qui n’ont rien ménagé jusque-là. Alpha Bah, le plus jeune, résident en France, venu juste pour se dire au revoir au son papa n’en revient pas. « C’est à cause d’un gouvernement d’incompétents ajouté au manque d’honnêteté du secrétariat aux affaires religieuses que bien des Guinéens ne pourront aller à la Mecque. Ce pays-là est foutu à jamais », se lâche-t-il, plongé dans sa tablette, en train de voir comment les autres pays de la Sous-région préparent ce Hadj. « On ne peut pas aller au-delà de la volonté de Dieu », philosophe le vieux Bah.
Avec beaucoup d’humour d’ailleurs : « Au moins, je me plains plus de maux d’yeux, de tension et je mange comme je l’entends. Je vous bénis tous pour votre réelle implication. » Ce bout de phrase, arrache un large sourire à la maisonnée, réunie dans une cour démesurément grande où une colonne de belles voitures est parquées. Qui sait si cet autre vieux aura-t-il la chance de partir l’année prochaine ? Seule le Tout puissant pourra le décider. Chez les Bah, on nourrit davantage de l’espoir.
Jeanne FOFANA, Kabanews