Trente ans après sa disparition, le premier président de la Guinée indépendante, Sékou Touré, demeure au cœur de la controverse. En raison de sa gestion de la révolution, il est perçu par quelques-uns comme un héros alors que pour d’autres, il n’est que le dictateur sanguinaire qui a emporté la vie de milliers de Guinéens et contraint de millions d’autres à l’exil. L’Etat ne prenant pas ses responsabilités pour trancher la question au cœur de la réconciliation nationale, on assiste très souvent à des prises de bec circonstancielles entre partisans et détracteurs de Sékou Touré.
Ce matin, c’était le cas à l’Assemblée nationale. Tout est parti du passage du ministre d’Etat aux Affaires étrangères, François Louncény Fall. Après sa déclaration liminaire, Ben Youssouf Keïta, membre du groupe parlementaire des Libéraux Démocratiques de l’UFDG, s’étonne du paradoxe entre le peu de considération qui est aujourd’hui accordé au Guinéen par rapport à ce qu’il était aux yeux du monde du temps de Sékou Touré. Pour lui, c’est d’autant plus paradoxal que le président Alpha Condé avait indiqué qu’il allait prendre le pays là où le premier président l’avait laissé. Or, à l’en croire, du temps de ce dernier, le Guinéen qui sortait du pays pour se retrouver à l’étranger avait droit au respect et à la considération. Lui qui a vécu à l’extérieur dit remercier l’ancien président de la République pour cette fierté qu’il avait réussi à doter le Guinéen. En conséquence, déclare-t-il : « Pour moi, Sékou Touré est un héros, je l’assume ».
Une lecture de l’histoire avec laquelle le député Fodé Marega n’est surtout pas d’accord. Membre actif de l’association des anciens détenus du Camp Boiro où son papa avait péri, il renvoie à son homologue les 50.000 personnes qui seraient mortes sous le magistère de Sékou Touré. Sur la même lancée, il déclare, pleine de colère : « A cause de lui (Sékou Touré, NDLR) les pères de l’indépendance guinéenne sont dans des fosses communes ».
Aussitôt, autour des deux députés, se forment des groupes de soutien respectifs. D’un côté, on dresse une liste non exhaustive des crimes imputables à Sékou Touré. De l’autre, on argue que les choses sont plutôt nuancées, dans la mesure où certains qui revendiquent le statut de victimes ont, eux-mêmes, été des bourreaux. En somme, en cette matinée, une poignée de député à donner à voir un débat en miniature sur la réconciliation nationale
Anna Diakité, www.kababachir.com