Les deux anciens Premiers ministres- Cellou Dalein Diallo et Jean-Marie Doré – et présidents de partis politiques ont-ils fumé le calumet de la paix, avec la récente sortie médiatique du leader de l’UPG, dans un hebdomadaire guinéen ? On est tenté de le croire. Tant et si bien la réaction du ‘’Judas’’ d’Ousmane Gaoual Diallo par rapport au discours de Chicago est pour le moins… réconciliante.
Dans la même prudence et dans la même solidarité que Lansana Kouyaté, JMD met ce discours ‘’enflammé’’ selon le RPG, « au compte d’une faute de la langue ». Et d’ajouter : « Je ne pense pas que Cellou qui est calme de nature, puisse annoncer comme ça s’il ne s’est pas trompé. Je crois que les mots ont dû trahir sa pensée. Parce que rien ne prouve que la Basse Guinée avec les données que nous avons maintenant puisse s’aligner à la forêt pour combattre le Fouta ou aux malinkés pour combattre la Forêt ou le Fouta. S’il y a un traité entre ces deux régions, je n’ai pas encore lu le texte. Mais si vraiment, il a dit, je ne devrais pas le juger, je crois que ça doit être une erreur. » Très peu attendu sur ce registre, eu égard au récent passé orageux entre les deux hommes, JMD s’est efforcé à être ‘’gentil’’. A son avis, « les mots ont dû trahir sa pensée. Peut-être les gens ont du mal à traduire ce qu’il a voulu vraiment dire. Il arrive à tout homme politique dans la chaleur des discussions, de laisser échapper des phrases qui ne traduisent pas exactement ce que vous voulez dire. Je mets cela au compte d’une défaillance momentanée. »
Cette réaction du reste très souple et surprenante du président de l’UPG semble donc signer la fin d’une relation orageuse découlant notamment des péripéties d’installation du bureau de l’Assemblée nationale. Jusque-là en effet, les raisons de la psycho rigidité du président de l’UPG était connue : faute de soutien de ses vrais faux alliés, il a vu son rêve – être le président de l’Assemblée nationale – fondre comme beurre au soleil. Il en voulait donc à mort son pair de l’opposition républicaine. Il l’a traduit par voie de presse. Avec une bonne dose d’amalgame et de confusion. « Il nous a trahis (NDLR, Dalein), il nous a ridiculisés, il nous a affaiblis, c’est un comportement minable. Il faut qu’il arrête comme ça les frais. Ça ne sert à rien de faire des tournées en Afrique. D’ailleurs, ce sont ces tournées qui nous ont égarés. Parce qu’il voulait coûte que coûte le vote des guinéens de l’extérieur et il a monnayé ça contre le maintien de Waymark», accuse Doré à l’endroit de Cellou Dalein Diallo qu’il qualifie de politicien sans vision et « sans sens d’intelligence politique et ça a ridiculisé et émietté l’opposition. C’est ça ! Il ne suffit pas de se revêtir de basin, porter un chapeau pour être un leader intelligent. L’intelligence ne s’achète pas au marché de Yenguéma. »
Quelques jours après, Alpha Condé déclenche son affaire de rail et d’Air Guinée : « Il faut qu’on se dise la vérité. Cellou a été ministre des transports, le train marchait, Conakry-Kankan, Air Guinée aussi et on avait des bateaux. Où sont-ils partis ? Je rappelle, qu’en Afrique de l’Ouest, les blancs ont construit trois chemins de fer. Abidjan-Ouagadougou, Dakar-Bamako environ 1200 km et Conakry Kankan 622 km. Aujourd’hui, Abidjan-Ouagadougou marche, Dakar-Bamako également aussi. Pourquoi Conakry-Kankan 622 km qui est une plus petite distance ne marche pas. Non seulement le train ne marche plus, mais les rails ont été aussi vendus. » Doré sort des bois et appuie Alpha Condé. Dans des invraisemblances (l’audit de Massoud Thiam le prouve avec les rails).
Extraits de JMD : « S’il y a eu des gens qui ont géré des fortunes, des matériels ou équipements de l’Etat, c’est à eux de répondre. Parce qu’on ne peut pas laisser des gens brader les biens de l’Etat comme le chemin de fer, Air Guinée… des biens qui ont été volontairement bradés. Et d’ailleurs, on imposait aux préfets de couvrir l’enlèvement des rails, des gens qui ont causé de tels torts à la nation, doivent impérativement rendre compte. Parce qu’il y a des gens qui aiment critiquer mais qui ne regardent pas leur nombril. Puisque moi, j’avais une mission qui a été remplie à la satisfaction de la nation. Si des gens n’ont pas trouvé leur compte, ce n’est pas ma faute. J’ai organisé des élections dont les résultats ont été acceptés, la Guinée n’a pas implosé et j’ai passé le pouvoir dans des conditions calmes. …Maintenant il y a des gens qui ont géré l’énergie, Air Guinée, qui ont aidé à vendre les rails, qui ont passé des contrats qui ne finissent pas d’être signés et résignés, ceux-là doivent absolument rendre compte. Il est normal qu’ils rendent compte…»
Guidé certainement par une aigreur qui ne dit plus son nom, Jean-Marie Doré a vite oublié. Peut-être estime t-il que les Guinéens ont avalé sa réelle volonté – alors qu’il n’était à la tête d’une simple équipe de transition- de prendre des décisions engageant l’avenir du pays, alors sous la junte de Dadis Camara. Il s’agissait entre autres « la cession du tiers de l’offshore guinéen à Hyperdynamics, un 25 mars ; signature, un 15 avril d’une convention pour évacuer le minerai de fer de Simandou par le Liberia ; paraphe d’un accord portant fabrication de cartes d’identité biométriques avec une société malaisienne ». Bien à l’étroit dans le contenu et la durée de son mandat, JMD a transformé son projet de reforme constitutionnelle (dessaisir la ceni et repousser le second tour de l’élection présidentielle) qui lui tenait tant en un décret d’application de l’article 2 du Code électoral censé « définir les modalités de l’appui technique du ministère de l’Administration du territoire à la ceni ». Tout ceci c’était sous la pression des adversaires politiques d’Alpha Condé.
Soupçonné et surveillé, JMD n’avait aucune porte de sortie. Bien qu’il voulait vraiment faire durer le plaisir d’être aux affaires. C’est ce qui justifie en désespoir de cause, pourrait-on dire, le bonus s’auto-accordé : voiture de service, parcelles assainies à Kagbélin et 500 millions GNF pour tous les ministres qu’il a gérés. Si Doré ne « se sent aucunement concerné » par les attaques actuelles de Condé, il pourrait l’être un jour. Les audits arrivent. Et bien des Guinéens s’attendent à ce qu’il réponde sur sa gestion de la transition. Au pire, pour sa complicité avérée dans l’affaire dite ‘’d’eau empoisonnée’’ ayant provoqué une inouïe chasse au faciès à Siguiri, Kankan, Kouroussa, etc. L’histoire est têtue et parfois elle nous impose la subtilité ! A défaut, rien ne peut empêcher de se rappeler le qualificatif d’un certain Ousmane Gaoual Diallo, ‘’le cloporte’’ qui dénonce … ‘’un Judas’’. De son côté, l’UFDG reste embrigadée derrière cet enseignement de Jean-Pierre Chevènement : « Nous ne nous laisserons pas caricaturer par des lâches (…) à bout de souffle, suivis des cohortes d’arrivistes prétentieux. »
De toute façon, c’est tant mieux si Dalein et Doré ont fumé le calumet de la paix.
Jeanne FOFANA, Kabanews