De mémoire d’homme
Se rappeler
A quand faut-il faire commencer l’histoire le la Guinée? On ne sait. Si l’on s’en tenait aux frontières actuelles, son acte de naissance porterait deux dates:
- décembre 1891, décret portant création de la Guinée française avec pour premier gouverneur le Dr. Noël Ballay
- 1899: délimitation des frontières par rapport aux colonies voisines.
Des traités et conventions signés de 1895 à 1911 par la France avec l’Allemagne, le Portugal, la Grande-Bretagne es le Libéria établissent les limites séparant la Guinée de la Guinée portugaise, de la Sierra Leone et du Libéria. Autant dire que les frontières actuelles sont artificielles, en Guinée comme partout en Afrique, en Afrique plus qu’ailleurs. Elles résultent d’un partage des zones d’influence entre puissances européennes dont les préoccupations n’allaient pas jusqu’à tenir compte des réalités géographiques ou humaines:
- les Toma et les Guerzé se souvent répartis de part et d’autre de la frontière avec le Libéria
- même situation pour les Kouranko et les Dialonké avec la Sierra Leone
- ou les Malinké de la région de Siguiri avec le Mali.
Néanmoins ces frontières arbitraires ne provoqueront pas de problèmes politiques semblables à celui des Ewé dont le territoire fut coupé en deux par les délimitations de la Gold Coast (Ghana) et du Togo. Mais, sur le plan économique, de telles situations expliquent largement la perméabilité des frontières et les difficultés d’interdire la contrebande douanière.
Les racines de l’histoire guinéenne plongent évidemment beaucoup plus avant dans les profondeurs du passé. Des générations de griots, ces bardes de l’Afrique, ont transmis d’âge en âge les hauts faits des ancêtres. Des tariks écrits en arabe racontent l’histoire des grands empires nègres de la boucle du Niger. Sans remonter à la préhistoire, qui a laissé ses traces, plusieurs régions de l’actuelle Guinée ont fait partie des grands royaumes de l’Afrique occidentale. Au IIIe siècle après Jésus-Christ, on trouve un royaume Manding (région du Haut-Sénégal et du Haut-Niger) vassal de l’empire de Ghana. Ce dernier s’étendra de l’Atlantique au Niger et ne se disloquera définitivement qu’au XIe siècle après avoir connu jours de gloire et heures de détresse, Deux siècles plus tard, à partir de Niani pour capitale (Niani n’est plus maintenant qu’un petit village guinéen sur la frontière soudanaise), un immense empire se reconstitue avec Sundiata (1230-1255?). Cet empire du Mali atteindra son apogée au XIVe siècle, de la région nord de la Guinée à Tombouctou, englobant l’actuel Mali. Des pays vassaux gravitaient autour de lui, de l’Océan Atlantique (régions du Sénégal et de la Gambie) à Gao sur le fleuve Niger. Au XVè siècle, le déclin commence, des vassaux s’affranchissent dont un chef du Fouta-Djalon, Koli Tenguéla; les ruines d’une de ses forteresses se voient encore dans les environs de Télimélé
Mais le XVe siècle est marqué par un fait capital: les explorations des Portugais. L’Afrique est désormais attelée au char européen. Les Portugais baptisent du nom « Guinée » (pays des Noirs) l’ensemble de la côte d’Afrique du fleuve Sénégal au cap des TroisPointes (Ghana). Ce nom désignera en outre le golfe de Dakar à Léopoldville. On en fait parfois aussi dériver le sens d’un mot soussou: guinée = femme. Est-ce pour célébrer le charme et la beauté des femmes de ce groupe ethnique? Non. Un navigateur aurait demandé à une femme en débarquant sur la côte: quel est ce pays? La femme lui aurait répondu qu’elle était une guinée (femme) et qu’il devait s’adresser à un homme. Son interlocuteur en aurait conclu que le mot désignait le pays. Pour d’autres, il faudrait y voir l’altération d’un autre mot soussou djinné (diable). Seule la première acception du mot (Noir) parait plausible.
Les navigateurs portugais fournirent les premiers renseignements sur les régions côtières de l’actuelle Guinée qu’ils appelèrent
- « Rivières du Sud »
- « Pays des rivières » ou encore
- « Côtes à graines »
Une chronique de 1453 rapporte ainsi les aventures d’un certain Nuno Tristao. Au cours des XVIe et XVIIe siècles, de nombreux Européens abordèrent, trafiquèrent ou s’installèrent de façon plus ou moins durable dans le pays. Aux XVIIIe et XIXe siècles, Anglais, Portugais, Français, rivalisèrent pour la création de comptoirs. Le Rio Pongo deviendra jusqu’en 1880 le centre le plus actif d’un trafic portant sur l’or, le miel, les peaux et surtout les esclaves. Les Français réussiront à supplanter leurs rivaux en une quarantaine d’années. Ils pénètrent dans l’intérieur du pays en partant soit du Sénégal, soit de la côte. Deux expéditions sont restées célèbres:
- celle de Mollien en 1818, qui descendra jusqu’à Timbo dans le Fouta-Djalon
- celle de René Caillé en 1827, qui du Rio Nunez remontera par le Fouta-Djalon et Tombouctou jusqu’à Fez et Tanger au Maroc.
Pendant toute cette période des XVIIIe et XIXe siècles, l’histoire du Fouta-Djalon est dominée par les Peulh. Venus du Massina (Soudan) au cours d’une émigration échelonnée sur à peu près un siècle, ils apportent avec eux l’islam. Vers 1725, ils déclenchent, avec Karamoko Alfa, la guerre sainte musulmane pour venir à bout de la résistance des chefs fétichistes. En 1761, Ibrahima Sori (Ibrahima le matinal) succède à Karamoko.
Ses victoires lui valent un très grand renom et il prend le titre prestigieux d’almami, « commandeur des croyants » . Après son règne, de nombreuses rivalités amènent le Conseil des anciens à prendre une décision capitale: le pouvoir et le titre almami changeront tous les deux ans, le titulaire étant choisi tour à tour parmi les descendants de Karamoko Alfa et ceux de Ibrahima Sori. Les rivalités tragiques qui opposeront les Alfaya aux Soriya faciliteront la conquête française dans la deuxième moitié du XIXe siècle.
Deux noms symbolisent pour les Guinéens la résistance à cette conquête:
Né en 1840, Samory s’établit à Sanankoro près de Kérouané d’où il étend son autorité, de 1870 à 1875, sur toute la Haute-Guinée et le sud de l’actuel Mali. Il fixe alors sa capitale à Bissandougou, non loin de la grande ville de Kankan. Il organise le pays et se constitue une forte armée avec ses célèbres sofas. Les colonnes françaises basées au Soudan le refoulent peu à peu. La lutte devient sans merci à partir de 1891. Elle durera sept ans, Samory reculant pas à pas. L’un de ses adversaires, le général Baratier, écrira:
« L’organisation de ses forces en trois groupes de défense du territoire, d’évacuation et de conquête extérieure lui permettra d’accomplir une chose unique dans l’histoire. Pendant sept ans, son peuple changera chaque année de pays, s’enfoncera vers l’est dans des régions nouvelles, mais déjà soumises et organisées, sans laisser au vainqueur un vieillard, ni un grain de mil. »
De la sorte il exercera son autorité
- sur le nord de la Côte-d’Ivoire
- sur le sud de la Haute-Volta, jusqu’à Bobo-Dioulasso et
- sur une partie du Ghana actuel.
Coincé par les colonnes françaises, en butte à l’hostilité des Toma et des Guerzé de la région forestière guinéenne qui lui refuseront le passage, il est finalement capturé dans un village de la Côte-d’Ivoire, à Guélémou, en 1898. Déporté au Gabon, il y meurt deux ans plus tard.
Les peuples de la forêt aux prises avec les Français et Libériens seront les derniers à opposer une forte résistance à la conquête. Les Guerzé en particulier témoignèrent d’un art militaire parfaitement adapté à leurs propres forces et à leur région d’accès difficile. Une expédition militaire d’août 1911 à mars 1912, à la suite de la « révolte Guerzé » , mettra fin définitivement aux opérations militaires.
Dès lors, l’histoire de la Guinée se déroulera semblable à celle des autres colonies groupées dans l’Afrique occidentale française dont elle fait officiellement partie depuis 1904. Comme elles, la Guinée subira les contrecoups de la deuxième guerre mondiale en participant à ce qui sera appelé pudiquement « l’effort de guerre » .
Les grandes dates, après la guerre, sont:
- Octobre 1946 Vote de la Constitution française qui organise, entre autres dispositions, une Union française. Des député africains seront envoyés au Parlement français. Ils seront trente-huit. Le premier député guinéen sera Yacine Diallo.
- 21 octobre 1946 Création du Rassemblement démocratique africain dont la section guinéenne sera créée en 1947 sous le nom de Parti démocratique de Guinée.
- 29 août 1947 Création du Grand Conseil d’AOF.
- 11 octobre 1947 Grève des cheminots africains en AOF.
- 21 octobre 1947 Publication du Code du travail outre-mer.
- 30 août 1951 Adoption du Code du travail outre-mer en première lecture par l’Assemblée nationale française.
- 17 juin 1951 Elections législatives.
- 3 novembre 1952 Grève générale en AOF contre les lenteurs de l’adoption du Code du travail.
- 22 novembre 1952 Adoption définitive du Code du travail outre-mer.
- 2 janvier 1956 Elections législatives. MM. :
- Sékou Touré
- Diallo Saïfoulaye
- Barry Diawadou
sont élus députés.
- 20 juin 1956 Adoption de la loi-cadre Defferre créant des conseils de gouvernement dans chaque territoire.
- Décembre 1956 Congrès du RDA à Bamako (Soudan).
- 11 janvier 1957 Congrès constitutif du MSA à Conakry.
- 20 janvier 1957 Conférence syndicale à Cotonou: création de l’UGTAN.
- 31 mars 1957 Elections législatives territoriales.
- 1957 Installation du premier Gouvernement guinéen:
- Président, gouverneur Ramadier.
- Vice-Président: Sékou Touré.
- 27 juillet 1957 Conférence des commandants de cercle à Conakry. Elle sera suivie d’une mesure révolutionnaire: la suppression des chefferies traditionnelles de canton.
- 26 janvier 1958 IIIè Congrès du PDG.
- Mai 1958 Troubles politiques à Conakry.
- Juin 1958 IVe Congrès du PDG.
- 25 août 1958 Séjour du général de Gaulle à Conakry.
- 15 septembre 1958 Conférence nationale du PDG Conakry: décision de voter non au référendum.
- 28 septembre 1958 Référendum sur le projet de Constitution de la Ve République française. La Guinée vote non.
- 2 octobre 1958 Indépendance de la Guinée, proclamation de la République.
- 13 décembre 1958 Admission de la Guinée à l’Organisation des Nations Unies.
L’indépendance
En juin 1958, un grave problème est posé aux territoires de l’Union française par la préparation d’une nouvelle Constitution. Quelles seraient les relations avec la France? Les projets sont discutés à Paris où le général de Gaulle fait connaître le 6 août les conséquences qu’entraînerait une réponse négative au prochain référendum:
ó Eh bien! ce territoire aura fait sécession il sera dès lors considéré comme étranger et la France saura tirer toutes les conséquences.
Sékou Touré avait déjà indiqué les positions de la Guinée à plusieurs reprises, notamment lors du IVe Congrès du PDG (5-8 juin 1958):
ó Nous ne renonçons pas à notre indépendance.. la France reste la nation avec laquelle nous entendons lier notre destin.
Quatre conditions sont énumérées:
- reconnaissance de l’autonomie interne
- constitution d’un exécutif fédéral
- transformation en Assemblée législative du Grand Conseil de l’AOF
- création d’une communauté franco-africaine dotée d’un gouvernement et d’un parlement fédéraux.
En juillet, il précise:
« Reconnaissance du droit à l’indépendance, autonomie interne des Etats fédérés, création d’une communauté multinationale. »
Et c’est l’extraordinaire voyage du général de Gaulle entrepris le 20 août à Tananarive, Brazzaville, Abidjan, Conakry, Dakar. La meilleure relation nous en a été laissée par Jean Lacouture dans son livre Cinq Hommes et la France. De Gaulle fait deux pas en avant, les membres de la Communauté seront des Etats (Tananarive); le « droit à l’indépendance » est reconnu (Brazzaville) Sékou Touré, lui, se tient de plus en plus en retrait:
ó Tout incite la Guinée à voter non, laissera-t-il entendre à un journaliste.
L’accueil de Conakry au général de Gaulle, le 25 août, sera prodigieux et haut en couleur, aux cris sans cesse rythmés: Silly, Silly. Quelques instants plus tard, Sékou Touré prend la parole à l’Assemblée, coupé par des ovations frénétiques:
Nous préférons la pauvreté dans la liberté à la richesse dans l’esclavage… Nous ne renoncerons pas, nous ne renoncerons jamais notre droit légitime et naturel à l’indépendance.
Ecoutons Jean Lacouture: « Renversé dans son fauteuil, son étrange visage raviné et dissymétrique couvert d’un voile de lourde lassitude, le général de Gaulle écoutait cette harangue, dont le public faisait un réquisitoire. A tel point que passa inaperçu, parce qu’il était presque incongru de sagesse et d’optimisme dans cette bourrasque, ce passage capital:
ó Notre coeur, notre raison, en plus de nos intérêts les plus évidents, nous font choisir, sans hésitation, l’interdépendance et la liberté dans cette union (avec la France) plutôt que de nous définir sans la France et contre la France.
Le chef du Gouvernement français répondra:
Il n’y a pas de raison, et je ne serais pas là si je n’en étais pas convaincu, que la France rougisse en rien de l’oeuvre qu’elle a accomplie ici avec les Africains… Je le dis ici, plus haut encore qu’ailleurs, que l’indépendance est à la disposition de la Guinée; elle peut la prendre en disant non à la proposition qui lui est faite et dans ce cas je garantis que la métropole n’y fera pas obstacle… et si je ne devais pas vous revoir…
« ó Il s’en alla, ajoute Lacouture, de son pas mal assuré de géant fatigué, le regard ailleurs. » Au soir de cette journée historique, il lancera aux ministres français qui l’accompagnaient et au gouverneur:
« ó Eh bien! messieurs, voilà un homme (Sékou Touré) avec lequel nous ne nous entendrons jamais. Allons, la chose est claire: nous partirons le 29 septembre au matin!
Quatre années de malentendus, d’incompréhension, d’amertume, de susceptibilités réciproques résulteront de ce 25 août 1958.
Les jeux seront définitivement faits les 12 et 14 septembre:
ó Nous voterons non à une communauté qui n’est que l’Union française rebaptisée… nous voterons non à l’inégalité, à l’irresponsabilité.
Le scrutin du 28 septembre exprime ce non par 1 136 324 bulletins contre 56 981 oui.
Quatre jours plus tôt, le leader guinéen avait rendu visite au gouverneur pour lui proposer de proclamer dès maintenant le souhait de la Guinée de s’associer à la communauté comme il est prévu dans la Constitution. Aucune réponse ne viendra de Paris, si ce n’est un accusé de réception. A son tour, la France commence à dire non. Des humoristes ont évalué le coût du référendum pour la France: une guinée (par allusion à l’ancienne monnaie anglaise). Certains ajoutèrent que la France avait rendu la monnaie de la pièce. Au lendemain du référendum, le représentant du Gouvernement français prendra acte de l’indépendance et laissera tomber comme un couperet:
ó De ce fait, la Guinée ne peut plus recevoir normalement le concours de l’administration de l’Etat français, ni des crédits d’équipement; de ce fait, les responsabilités assumées par l’Etat français doivent être révisées…
Les conséquences de ce qui est considéré par la France comme une sécession seront plus sévères que ne s’y attendaient les Guinéens et seront formulées de manière très abrupte. Divorce sans pension alimentaire, ira-t-on, ce qui n’ira pas sans un certain nombre de mesquineries (et parfois de sabotages), tel le détournement sur Abidjan d’une cargaison de riz destinée à la Guinée. Il est vrai que le Gouvernement français était poussé à adapter une « politique dure » par plusieurs leaders africains qui, eux, avaient voté oui.
« Si la France, dira Houphouët-Boigny, donnait une préférence à ceux qui ont fait sécession contre ceux qui ont choisi la communauté, alors la sécession guinéenne ferait tâche d’huile. »
La France s’abstiendra lors de l’admission de la Guinée à l’ONU, après avoir refusé de parrainer sa candidature. De même, elle attendra trois mois pour reconnaître la Guinée de jure lors de la signature de protocoles d’accord, le 7 janvier 1959. Aux termes de ces protocoles, il est prévu que le français demeure langue officielle de la Guinée, que la France fournira des enseignants et apportera son assistance technique, la Guinée demeurant dans la zone franc. Des ambassades seront ouvertes à Paris et à Conakry. La France interviendra aussi pour permettre l’importation de riz de Belgique pour la Guinée. Mais la déchirure intervenue entre la Guinée et la France n’en sera pas réparée. Les griefs recommenceront à s’accumuler au bout de quelques mois:
- inapplication des protocoles de janvier par les Guinéens
- réception d’armes tchèques à Conakry
- campagnes radiophoniques violentes contre la Communauté
- comportement hargneux de certaines catégories de Français
- problème posé par les créances de la Guinée sur les biens de l’ancienne AOF.
Plusieurs missions françaises se rendront à Conakry en juin et août 1959, puis en 1960, sans résultats. La création de la monnaie guinéenneet la sortie de la zone franc ajouteront encore au contentieux pendant entre les deux pays.
Les relations de la Guinée avec les pays de l’Est ne faciliteront pas non plus la reprise de rapports normaux, à défaut d’être amicaux. La suspicion et la méfiance réciproques empêchent tout assainissement du climat et ne permettent guère de repartir sur d’autres bases. Le dialogue un instant renoué en 1961 avec la signature d’un accord financier partiel et d’une convention culturelle (conditions d’emploi de professeurs français en Guinée, boursiers guinéens en France), ne sera pas poursuivi. Une nouvelle éclaircie se produit en mars 1962 à la suite du cessez-le-feu intervenu en Algérie. Le Président guinéen annonce qu’à « la faveur du changement radical de la politique française en Algérie » , la Guinée « modifie sa ligne de conduite à l’égard du Gouvernement français » . Une mission de ministres guinéens se tiendra prête à prendre l’avion pour Paris qui manifestera moins de hâte. Des gestes de détente interviennent de part et d’autre comme la libération de certains prisonniers. Et, en fin d’année 1962, des prénégociations se déroulent dans une atmosphère étonnamment cordiale. Elles laissent bien augurer de l’avenir comme en témoigne une récente interview accordée par Sékou Touré à un journal français:
Si le général de Gaulle veut bien rendre visite à la Guinée, j’en serai heureux … Nous n’avons pas dit non à la France ni à de Gaulle. Au contraire nous voulions, sitôt notre indépendance acquise et garantie, signer des accords d’association prévus par la Constitution française. Nous avons toujours souhaité la coopération avec la France. Certainement je préférerais des techniciens français pour nous aider, puisque nous parlons français et que tant de liens nous attachent à la France…
L’heure des retrouvailles a-t-elle sonné
Sur le plan africain, la conjoncture politique paraît d’ailleurs favorable. Depuis les réactions provoquées par l’indépendance guinéenne parmi les leaders africains qui avaient voté oui, la situation a profondément évolué. En 1960, les membres de la Communauté accèdent à leur tour à l’indépendance. Celle-ci ne signifie plus sécession comme en 1958, mais association et coopération. L’écart originel entre l’Union africaine et malgache formée par les nouveaux Etats et le groupe de Casablanca auquel la Guinée adhère s’est considérablement réduit. Une manifestation éclatante en est donnée en octobre 1962. M. Houphouët-Boigny effectue en Guinée une visite officielle triomphale de quinze jours. La réconciliation et l’amitié retrouvée sont solennellement proclamées:
« Un seul pays avec deux capitales » (Houphouët-Boigny).
« Tous les malentendus sont enterrés. » (Sékou Touré).
Sur la voie de l’unité africaine souhaitée par tous, de nouveaux pas plus décisifs encore paraissent possibles.
Sous bénéfice d’inventaire
Travailler
Le mot figure dans la devise nationale. Les dirigeants s’efforcent de le faire passer davantage dans la réalité. Le principe de la journée continue a été adopté en janvier 1963. Des normes de travail ont même été établies. Il faudra du temps et de la patience pour que ces mesures soient effectivement appliquées. La patience ne fait pas défaut, car c’est la première vertu que l’Afrique enseigne. Mais le temps presse, vu l’urgence des tâches à accomplir pour sortir du sous-développement. Pourtant le Guinéen moyen donne l’impression souvent d’avoir les siècles pour lui, à en croire certains. On s’y met rapidement… demain, demain. Pour y aider, les autorités entendent désormais « lier directement le salaire du travailleur au volume de travail effectué ».
Les résultats officiels des travaux réalisés dans le cadre de l’investissement humain semblent montrer néanmoins qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences. On connaît le principe de l’investissement humain: chacun apporte gratuitement sa force de travail pour des tâches d’intérêt collectif, les autorités administratives fournissent de leur côté matériaux ou moyens de transports.
Le journal Horoya, dans son numéro du 3 février l962, dresse un bilan impressionnant pour les trois premières années. Le voici, car il fait la fierté de la Guinée nouvelle.
1959 | 1960 | 1961 | |
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Classes | 335 | 741 | 572 |
Hôpital | 1 | 50 | |
Dispensaires, maternités, infirmeries | 28 | 56 | 50 |
Permanences du PDG | 38 | 436 | 779 |
Mosquées | 28 | 118 | 214 |
Logements & bâtiments administratifs | 96 | 180 | 264 |
Magasins | 227 | 178 | 158 |
Hangars | — | 19 | 74 |
Villages types | — | — | 5 |
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en nombre | 2 324 | 1 904 | 3 031 |
en superficie en hectares | 973 | 2 927 | 3 396 |
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249 900 pieds | 339 500 pieds sur 1 639 ha |
2 989 850 pieds sur 2 164 ha |
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30 700 pieds | 118 900 pieds sur 42 ha |
2 989 850 pieds sur 240 ha |
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Routes (en km.) | 7 969 | 4 832 | 6 220 |
Ponts et ponceaux | 672 | 552 | 1 253 |
Pistes et terrains d’aérodromes | — | 7 | 5 |
Forages de puits | — | 2 | 12 |
Bâteaux de pêche | — | 3 | 3 |
Bacs | 2 | — | — |
Barrages | — | 1 | 2 |
Digues (en km.) | 2 | 4 | 21 |
Wharfs | — | 1 | 1 |
Dallots | — | — | 223 |
|
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Terrains de sports | 3 | 609 | 295 |
Marchés | 5 | 10 | 20 |
Places publiques | — | 3 | 11 |
Piscine | — | 1 | 1 |
Arbres plantés | — | 9 500 | 19 200 |
Toilettes publiques | — | 34 | — |
Fossés d’évacuation | — | 1 | — |
Cimetières | — | 69 | 354 |
Il faudrait ajouter encore les travaux d’entretien et d’aménagement, par exemple pour les routes (91,1624 et 2 226 km.), les ponts, etc. Même si l’on ne peut prendre tous ces chiffres avec leur rigueur mathématique (des coups de pouce ont été donnés parfois par les sections, des erreurs d’appréciation commises quant aux superficies) ils n’en traduisent pas moins un remarquable effort
Produire
La majorité de la population, plus de 80%, est constituée de cultivateurs répartis dans quelques 4000 villages.
- Le riz
C’est la culture vivrière la plus nécessaire à la Guinée, car elle constitue la base de l’alimentation. Tout Guinéen, quel que soit son niveau de vie, avoue ne pas avoir fait un bon repas s’il n’a mangé du riz. Les deux régions les plus favorables à cette culture sont la Basse et la Haute-Guinée. Elle se pratique de deux manières: soit sur pente après défrichement et brûlis de taillis ou de forêts (riz de montagne), soit en terrain inondé (riz de plaine et de marais). La production totale est de l’ordre de 200 000 tonnes. Elle ne suffit pas pour les besoins de la population, d où la nécessité d’importer chaque année une moyenne de 40 000 tonnes. Des tentatives récentes de culture mécanique sur de grandes étendues ayant échoué, on reprend maintenant le programme d’aménagements en Basse-Guinée qui avait démarré il y a quelques années. Les objectifs pour la campagne 1963 ont fixé un taux d’accroissement minimum de 25% à chaque comité de village, pour permettre la suppression des importations. - Les autres cultures vivrières sont
- le fonio
- le maïs
- les tubercules
- patate
- taro
- manioc
- les oléagineux
- arachide
- sésame)
Cultures industrielles
- Le café (type Robusta)
La production de café s’est développée rapidement depuis quelques années, puisqu’elle est passée de 6 400 tonnes en 1952 à 12 000 tonnes en 1956 et à 15 000 tonnes en 1961. Cette culture a trouvé sa zone de prédilection dans la région forestière dont le régime des pluies, la température constante et la fertilité du sol lui conviennent particulièrement. Elle est l’apanage des planteurs guinéens sous forme de petites unités familiales. La qualité de la production est remarquable puisque 90 à 95% des exportations sont classées en extra-prima, prima et supérieure. - La banane
Elle a été introduite en Guinée vers 1897. Son essor, un moment stoppé par la deuxième guerre mondiale, a été remarquable. Cultivée sur de petites exploitations, ne dépassant pas en moyenne 15 hectares d’un seul tenant (5 sociétés seulement produisent plus de 1000 tonnes), elle est localisée à l’intérieur du triangle constitué approximativement par les centres de Dubréka, Benty et Mamou. Les variétés de bananes Sinensis actuellement cultivées sont remplacées peu à peu par la variété Poyo plus robuste, mise au point à la station de Kindia. La production, après être passée par un maximum de 98 000 tonnes en 1955, plafonne maintenant entre 60000 et 65 000 tonnes. Depuis l’indépendance elle n’est plus écoulée en France mais dans les pays de l’Est et vient en tête des exportations agricoles guinéennes. - Les palmistes
Les palmistes, amandes du fruit du palmier à huile, proviennent des palmeraies naturelles de la Basse-Guinée et de la région forestière. Depuis quelques années, un programme de plantation de palmiers sélectionnés à haut rendement est en voie de réalisation. Production annuelle évaluée de 20 000 à 25 000 tonnes. - L’ananas
L’ananas est cantonné en Basse-Guinée et dans la région de Kindia. En plein développement depuis quelques années, sa culture intensive, grâce aux méthodes les plus modernes donne des rendements élevés (45 à 55 tonnes à l’hectare), Production annuelle: 6 000 tonnes dont une partie est transformée sur place en conserves (jus et tranches). - L’essence d’orange est uniquement produite dans le Fouta. Elle est obtenue par grattage du zeste des fruits (il faut de 800 à 1200 oranges pour 0,800 kg. d’essence) Production annuelle de 100 à 120 tonnes.
- Les arachides
Les arachides destinées à l’exportation proviennent de la région de Gaoual-Koundara à la frontière de la République du Sénégal, pour environ 10 000 tonnes (base coques) par an.
Palmiers & cocotiers
L’élevage
Il est pratiqué de façon extensive par les Peulh du Fouta-Djalon. D’après des évaluations assez approximatives, le cheptel comprendrait
- 1500 000 bovins
- 339 000 ovins
- 400 000 caprins.
Pour rénover l’élevage, un programme a été établi en décembre 1962 visant l’éducation du pasteur (il considère son troupeau comme une épargne ou un élément de prestige et non en fonction de son utilité et de sa rentabilité), la suppression des exportations frauduleuses et l’approvisionnement des populations urbaines.
Les ressources minières
Leur prospection n’est pas encore achevée mais elle a révélé l’importance et la variété les ressources du sous-sol. Certains gisements (fer, bauxite) sont parmi les plus riches du monde et constituent des réserves considérables.
Actuellement font l’objet d’une exploitation:
- L’or.
Les placers de Siguiri (nord-est du pays) étaient autrefois les seuls à être exploités. Les prospections actuelles de nouveaux gisements permettront de remplacer l’orpaillage par des exploitations industrielles. - Le diamant.
Les premiers sites repérés en 1932 sont des gisements alluvionnaires de petits cours d’eau des bassins supérieurs du Milo et de la Makona (région forestière). Des prospections ultérieures ont démontré la présence de diamants dans plusieurs cours d’eau de différentes régions.
Les gisements de Macenta, de Beyla et de Kérouané, actuellement en exploitation, donnent surtout des diamants industriels; cependant certains sites comme celui de Banankoro donnent parfois de très belles pierres de joaillerie - Le fer.
Le seul gisement, d’une teneur de 50%, actuellement en exploitation est celui de la presqu’île du Kaloum aux portes de Conakry. Il s’étend de l’île de Tumbo au Mont-Kakoulima sur une distance de 30 kim. et une largeur de 4 à 6 km. (réserves 2 milliards de tonnes). La Compagnie minière de Conakry, qui mène l’exploitation à ciel ouvert depuis 1953, a exporté d’importants tonnages passant de 398 000 tonnes en 1953 à 1 059 000 en 1957. La production est actuellement de l’ordre de 500 000 à 800 000 tonnes par an. Elle est exportée à destination de l’Angleterre, de l’Allemagne occidentale et de la Pologne. Des indices d’autres gisements ont été reconnus, en particulier dans la région forestière dans les massifs des monts Nimba et Simandou dont les réserves atteindraient 25 milliards de tonnes. Un consortium, Consafrique, formé par des sociétés privées occidentales , a obtenu une concession d’exploitation de ce gisement. - La bauxite.
Elle est plus répandue encore, d’une teneur riche et facilement exploitable, a d’abord été extraite dans les Iles de Los par la Société des Bauxites du Midi, filiale de l’Aluminium of Canada qui. après triage, exporte le produit brut vers les usines de transformation du Saint-Laurent. La même société s’est également intéressée aux gisements de Boké au nord-ouest du pays (300 millions de tonnes de réserve à 45 %) pour l’exploitation desquels a été entreprise la construction d’un port et d’une ligne de chemin de fer de 120 km. Mais en novembre 1961, la société a été mise sous séquestre « pour n’avoir pas été en mesure de remplir les conditions » fixées dans la convention d’exploitation. Une compagnie privée américaine, la Harvey Aluminium, s’est mise sur les rangs pour prendre la relève. Dès 1958, le groupe Péchiney-Ugine a recensé les richesses en bauxite de la région de Kindia (350 millions de tonnes de réserve à 40% et sans silice), puis a été l’instrument principal de la fondation de la Société internationale de FRIA alimentée à 49% par des capitaux américains. 56 milliards d’anciens francs ont été investis dans des installations en mesure de produire 480 000 tonnes d’alumine, ainsi que dans la construction d’une ville de 15 000 habitants, l’ouverture d’une voie ferrée de 146 km. et de 150 km. de routes; l’usine emploie 350 Européens et 800 Africains. Au total 1 300 000 tonnes de bauxite ont été extraites du sous-sol guinéen. En 1962 la production a été de 457 000 tonnes d’alumine. Mais un gisement plus important que les précédents vient d’être décelé dans la région de Tougué puisque ses réserves se monteraient à environ 2 milliards de tonnes.
Forgerons et Hauts-fourneaux des armées samoriennes
Les ressources hydro-électriques
Elles sont de premier ordre puisque l’énergie potentielle de tout le territoire atteindrait 63 milliards de kWh et l’énergie productible 12 milliards. Nombre de petites centrales pourraient être installées le long des cours d’eau. Toutefois, c’est le bassin du fleuve Konkouré qui demeure le plus intéressant à aménager car il aurait à lui seul un potentiel de 12 milliards de kWh. Le projet de barrage en terre, envisagé au site de Souapiti, aurait fourni 3 milliards de kWh. à lui seul permettant l’approvisionnement énergétique d’une usine d’aluminium (capacité: 1 200 000 tonnes).
Ce projet n’a pu jusqu’à présent être mené à bonne fin.
Commercer
Les échanges de la Guinée avec l’extérieur ont été les suivants, selon la Direction nationale de la Statistique:
En millions de FG | 1956 | 1957 | 1958 | 1959 | 1960 | 1961 |
Importations Exportations |
6 637 5 073 |
9 250 5 121 |
12 999 4 874 |
15 279 7 109 |
12 328 12 744 |
17 993 15 175 |
L’accroissement brusque des exportations à partir de 1960 est dû essentiellement aux exportations nouvelles d’alumine qui à elles seules représentent 47% de la valeur totale des exportations.
Pour 1961, les principales exportations s’établissent ainsi en valeur (milliers de francs guinéens):
Produits agricoles | 4 912 182 | |
Bananes | 1 607 317 | |
Café | 1 577 753 | |
Palmistes | 649 920 | |
Arachides | 413 639 | |
Ananas | 367 929 | |
Produits miniers | 10 061 418 | |
Alumine | 7 146 880 | |
Diamants | 1 912 801 | |
Bauxite | 608 152 | |
Minerai de fer | 393 585 | |
Divers | 201 587 | |
Total général | 15 175 187 |
Les principaux clients de la Guinée ont été, par ordre d’importance décroissante:
France (alumine: 2 524 969) | 2 698 141 |
Cameroun (alumine) | 1 680 045 |
Union soviétique (produits agricoles) | 1 297 427 |
Norvège (alumine et diamants) | 1 189 605 |
Belgique (diamants: 969 126) | 1 030 525 |
Canada | 974 155 |
Allemagne orientale | 966 153 |
Etats-Unis | 908 986 |
Suisse | 778 864 |
Les sept principaux fournisseurs furent:
Allemagne occidentale | 2 775 300 |
France | 2 204 832 |
Union soviétique | 2 087 913 |
Allemagne orientale | 1 617 799 |
Tchécoslovaquie | 1 243 256 |
Chine | 1 146 475 |
Etats-Unis | 916 744 |
Planifier
Un plan triennal est entré en application le 1er juillet l960, dans l’enthousiasme général: les cheminots, suivis par d’autres catégories de travailleurs, décidèrent de travailler le samedi après-midi pendant trois mois. Préparé depuis un an par une équipe d experts sous la direction du professeur français Ch. Bettelheim, puis établi par le Parti le plan embrasse tous les secteurs d’activité: infrastructure, transports, agriculture, industrie (à l’exception des grands ensembles industriels miniers), santé, enseignement, etc. Il a fait l’objet d’une conférence nationale tenue à Kankan au mois d avril 1960
Les structures du plan comprennent trois sections; une section nationale; une section régionale qui comprend tout ce que la région peut réaliser avec ses moyens; une section spéciale englobant des activités de toutes les sociétés privées. Trois objectifs ont été assignés : amélioration du niveau de vie, décolonisation économique, transformation de la Guinée en pays moderne.
Dans le domaine agricole, on a vu très grand puisqu’il fut décidé d’accroître, en 1963, la production de:
Riz | de 45 000 tonnes |
Bananes | de 70 000 tonnes |
Café | de 4 000 tonnes |
Ananas | de 31 000 tonnes |
Arachides | de 30 000 tonnes |
Palmistes | de 15 000 tonnes |
Les bases d’une industrie légère devaient être jetées par la construction d’usines et de fabriques (produisant des outils agricoles, des charrettes et brouettes, des meubles en bois, des clous, des cigarettes, du tapioca), d’huileries, de rizeries (6 traitant 50 000 tonnes), de conserveries, d’abattoirs.
Dans le domaine de l’enseignement:
- ouverture de 1000 classes nouvelles
- création d’une école polytechnique
- création d’une école nationale d’agriculture
- création d’une école de santé publique,
- liquidation à 80% de l’analphabétisme des adultes.
Dans le domaine de l’infrastructure administrative étaient envisagés:
- l’agrandissement du port et de l’aéroport de Conakry
- la construction d’un émetteur radio
- la construction d’une imprimerie ultramoderne
- la construction d’hotels, de salles de cinéma, d’un théâtre en plein air.
Le budget nécessaire au financement de telles réalisations se gonflera peu à peu en fonction des apports extérieurs. Sauf modifications ultérieures toujours possibles, il s’élevait à 41 047 millions de francs guinéens se ventilant ainsi:
Infrastructure et transports | 19 096 soit 46,5% |
Production | 16 185 soit 39.46% |
Services sociaux | 5 616 soit 13,7% |
Fonds de réserve | 150 soit 0.4% |
Un certain nombre de projets sont d’ores et déjà réalisés, comme
- l’Institut polytechnique
- l’émetteur Sonfonia de 100 kWh
- réseau d’écoute collective de 150 haut-parleurs pour Conakry
- l’imprimerie Patrice-Lumumba
- le prolongement de la piste de l’aérodrome de Conakry.
Mais, dans d’autres domaines, les objectifs semblent hors d’atteinte dans le délai qui avait été imparti. C’est le cas des objectifs agricoles et de nombreuses usines, d’importants retards s’étant produits.
Se débrouiller
Malgré les ressources en devises que lui procurent ses exportations minières, la Guinée ne pouvait à elle seule assumer en même temps le financement de son plan triennal et le financement de son budget de fonctionnement (celui-ci est de l’ordre de 10 3 12 milliards FG). Le recours à l’aide extérieure était inéluctable et prévu, dans une proportion moindre il est vrai Le Ghana puis les pays de l’Est furent les premiers à proposer une aide massive’ soit sous la forme de prêts à long terme et à faible taux d’intérêt, soit en se chargeant de réaliser l’une ou l’autre des actions inscrites au plan, soit encore en en proposant de nouvelles.
En novembre 1960, le Président guinéen dressera un bilan de l’aide fournie par différents pays:
Union soviétique | 226 millions de roubles | soit 14 milliards FG |
Chine | 100 millions de roubles | soit 6 millards FG |
Ghana | 6 milliards FG | |
Tchécoslovaquie | 10 millions de dollars | soit 2,450 milliards FG |
Hongrie | 0,600 milliard FG | |
Pologne | 5 millions de dollars | soit 1 milliard FG |
Yougoslavie | 5 millions de dollars | soit 1 milliard FG |
Allemagne de l’Est | 5 millions de dollars | soit 1 milliard FG |
Allemagne de l’Ouest | 15 millions de dollars | soit 3 milliards FG |
S’y ajoutent depuis 1960:
Etats-Unis | 20 600 millions de dollars | soit 4,047 milliards FG |
Egypte | 16 millions de dollars | soit 3,920 milliards FG |
L’aide offerte atteint donc un total minimum de 43 milliards de francs guinéens et résulte des accords conclus avec la Guinée. On ne sait dans quelle mesure elle a été fournie effectivement, en totalité ou en partie. Pour attirer les capitaux privés, un code d’investissement a été adopté le 5 avril 1962. Il donne, entre autres, des garanties juridiques contre toutes spoliations et toutes nationalisations, le bénéfice d’aménagements fiscaux, la protection douanière contre toute concurrence de produits similaires, la garantie du transfert des revenus dans une certaine proportion et le rapatriement des capitaux et économies. Des nationalisations ayant eu lieu précédemment dans tous les secteurs de l’économie, le rapport du gouvernement précise que « les réquisitions et nationalisations déjà effectuées ont concerné les secteurs de souveraineté, des secteurs abandonnés ou des secteurs en infraction ».
Enseigner
La Guinée a fait un très remarquable effort pour développer l’enseignement et élever son taux de scolarisation. Les chiffres sont éloquents, même si l’on peut critiquer tel ou tel aspect de l’enseignement.
En 1961, un effectif total de 103 494 élèves dont 29 874 filles ont été scolarisés dans les trois ordres d’enseignement (premier degré, second degré général et technique) et les centres d’apprentissage. En 1958, l’effectif total était de 45 400 dont 9 900 filles.
Quant aux étudiants poursuivant leurs études à l’étranger, ils étaient au nombre de 1140, dont 449 pour l’enseignement supérieur et 691 pour l’enseignement technique moyen.
Communiquer
Le développement du réseau routier a bénéficié tout particulièrement des travaux réalisés dans le cadre de l’investissement humain. Selon les chiffres officiels, il y aurait environ 10 000 km. de voies carrossables dont 5 600 km. qualifiés de routes à grande circulation. Une seule néanmoins est asphaltée, celle qui relie Conakry à Kindia (150 km.).
Une voie ferrée, le Conakry-Niger, traverse la Guinée d’ouest en est sur une longueur de 600 km., joignant Conakry à Kankan. Construite pendant les années 1910-1916, elle fait l’objet d’importantes études pour sa modernisation. De 1957 à 1961, le tonnage/km. est passé de 37,6 millions t/km. à 47,8 millions et le trafic voyageurs/km. de 38 à 64 millions. Rien de tel pour faire connaissance avec le pays que de prendre ce train: vous mettrez une journée pour aller à Kankan, mais ne le regretterez pas. Deux autres voies, privées, desservent exclusivement les gisements miniers.
Par avion. on peut joindre quatre fois par semaine, avec Air-Guinée, Siguiri, Kankan, Nzérékoré, Kissidougou ou Boké.
Conakry – Kindia – Mamou – Dabola -Kouroussa -Kankan | 604 km. |
Conakry – Boffa – Boké – Frontière Guinée portugaise | 391 km. |
Conakry – Forécariah – Benty | 175 km. |
Kindia – Télimélé – Gaoual | 312 km. |
Mamou – Dalaba – Pita – Labé | 152 km. |
Labé – Youkounkoun – Frontière du Sénégal | 306 km. |
Labé – Mali | 121 km. |
Dabola – Faranah – Kissidougou | 350 km. |
Dabola – Dinguirave | 150 km. |
Kankan – Siguiri – Frontière du Mali | 215 km. |
Kankan – Beyla – Nzérékoré – Frontière Côte-d’Ivoire | 575 km. |
Kankan- Macenta | 275 km. |
Guékédou – Macenta – Nzérékoré | 254 km. |
Kankan – Kissidougou | 184 km. |
La révolution guinéenne n’a laissé vivre qu’un seul journal, Horoya, organe du PDG, trihebdomadaire, et un seul bulletin d’agence, celui de l’Agence guinéenne de presse, quotidien. Très libéralement d’ailleurs, Horoya publie assez régulièrement les heures d’émission de radios étrangères comme la BBC anglaise. Louable souci de neutralisme radiophonique: ses lecteurs peuvent ainsi comparer, souvent sur la même page, les programmes de Ici, Bonn, Ici Washington (La Voix de l’Amérique) et Ici Moscou.
Ne pas confondre
PDG-RDA
Parti démocratique de Guinée — Rassemblement démocratique africain.
BPN
Bureau politique national (du PDG)
CNTG
Confédération nationale des travailleurs guinéens.
UGTAN
Union générale des travailleurs d’Afrique noire (mise en sommeil depuis l’indépendance des Etats africains voisins en 1960).
JRDA
Jeunesse du Rassemblementdémocratique africain (organisme du Parti regroupant tous les jeunes Guinéens et Guinéennes depuis l’âge de 7 ans).
Pour tout ce qui concerne le domaine économique (industrie, commerce, finance, transport, etc.), vous apprendrez vite à jongler avec les initiales ou les noms suivants:
AGRIMA
Entreprise nationale pour l’importation et la vente de matériel, outillage, produits nécessaires à l’expansion de l’agriculture.
ALIMAG
Entreprise nationale pour l’importation, l’achat à la production, la vente de biens de consommation alimentaires.
BATIPORT
Entreprise nationale pour l’importation et la vente du matériel et des matériaux nécessaires à l’industrie du bâtiment.
BGCE
Banque Guinéenne du commerce extérieur.
BNDA
Banque nationale de développement agricole.
BCRG
Banque centrale de la République de Guinée (détient le privilège exclusif de l’émission des billets et des pièces de monnaie).
CNCIH
Crédit national pour le commerce, l’industrie et l’habitat.
DIVERMA
Entreprise nationale pour l’importation et la vente de marchandises diverses.
EMATEC
Entreprise nationale pour l’importation et la vente de matériel technique.
ENAT
Entreprise nationale d’acconage et transit qui a pour objet le chargement et le déchargement des navires.
Compagnie internationale dont le siège est à Conakry depuis un décret guincen de 1960. Il désigne aussi le nom de l’agglomération où se trouve l’usine. — Avant de « monter à Fria », vous aurez le plus grand intérêt à prendre d’abord contact avec la « base » de Conakry (9e avenue). Le sens des public relations y est particulièrement développé.
Les actionnaires de la Compagnie sont:
- Olin Mathieson Chemical Corporation (Etats-Unis) : 48,5%
- Péchiney Ugine (France): 26,5%
- The British Aluminium Company Limited (Angleterre): 10%
- Aluminium Industrie Aktiengesellschaft (Suisse) : 10%
- Vereinigte Aluminium-Werle Aktiengesellschaft (Allemagne fédérale): 5 %
Le groupe Péchiney est chargé de la direction de l’affaire.
GUINEXPORT
Entreprise nationale pour l’achat et l’exportation des produits guinéens
Institut national de Recherche et documentation guinéen
LIBRAPORT
Entreprise nationale pou l’impartation et la vente de matériel et articles de bureau, de papeterie et de librairie
ONAH
Office national des hydrocarbures pour l’importation et la vente.
SNA
Société nationale d’assurances.
SONATEX
Entreprise nationale pour l’importation et la vente d’articles textiles et d’habillement.
TRANSMAT
Entreprise nationale pour l importation et la vente de matériel roulant, à l’exclusion du matériel agricole
Bernard Charles
Guinée
L’Atlas des Voyages. Editions Rencontre. Lausanne. 1963. 223 p.