Événements du 4 juillet 1985 : l’Association des victimes de la répression répond à un ‘’négationniste’’

Dans un article publié dans le journal « LE LYNX »N°1171 du 22 Septembre 2014, Monsieur S. Nabbie Touré déclare : En parlant des ‘’Crimes comme ceux du 4 juillet 1985’’, le Général Konaté indique à mots à peine voilé, le coup d’Etat manqué du Colonel Diarra Traoré, ministre d’Etat, ministre de l’Education Nationale ; dans la nuit du 4 au 5 juillet 1985.

Autres temps, autres mœurs, le coup d’Etat qui est pourtant loin d’une imagination, comme certaines personnes à travers certains journaux de la place, semblent l’occulter. On a toutes les raisons de croire qu’il a été préparé et exécuté avec l’aval de la quasi-totalité des Chefs d’Etat de la CEDEAO.
L’amalgame ne peut servir la cause.

Le 25 juin 1985, des troupes étrangères débarquent à Conakry sous le commandement d’un certain Colonel Bernard identifié plus tard comme étant l’Adjudant-chef Alain Pasquier, selon le journal satirique français « Le Canard enchaîné ».

Le 2 juillet 1985, arrestation du capitaine de police Mamadi Condé, Commandant de la Compagnie Mobile d’Intervention de la Sécurité (Antigang).

Le 2 juillet 1985, arrestation du Capitaine de l’Armée de Terre Fodé Sangaré, Commandant du camp Kwamé N’Krumah au Km 36.

2 juillet 1985, installation d’un barrage de contrôle au Km 36 pour empêcher soixante deux (62) personnalités de l’ethnie malinké de sortir de Conakry (liste dressée par Monsieur Hervé Vincent Bangoura).

4 juillet 1985, diffusion sur les antennes de la RTG du communiqué annonçant la prise du pouvoir par le Conseil Suprême d’Etat dirigé par le Colonel Diarra Traoré.

5 juillet 1985, installation des barrages à travers le pays pour arrêter tout citoyen de l’ethnie malinké pour vérification.

Le 5 juillet 1985, le Capitaine Mamadou Baldé, ministre d’Etat chargé de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative, membre du Bureau Exécutif du Comité Militaire de Redressement National (CMRN) s’arroge les pleins pouvoirs en l’absence du Président de la République en mission à Lomé.

De la poste de Conakry, il reçoit la liste des Officiers malinkés à arrêter dictée de la poste de Lomé par le ministre des Affaires Etrangères, membre de la délégation dans la nuit du 4 au 5 juillet 1985
Il envoie des messages radio pour arrêter les officiers malinkés en service à l’intérieur du pays.

Toujours le 5 juillet 1985, il convoque et préside une réunion extraordinaire du CMRN au Camp Samory.
Au cours de cette réunion, des messages radio ont été envoyés dans tout le pays pour arrêter et conduire sur Conakry tous ceux qui de près ou de loin ont apporté un soutien quelconque au coup d’Etat manqué.

Les Départements ministériels reçurent les mêmes instructions.
A l’annonce du coup d’Etat, le Commandant de la Brigade de Gendarmerie de Dabola ordonna l’arrestation du Préfet en l’incarcérant dans les locaux disciplinaires de sa brigade.

Le matin, après l’échec du coup d’Etat, il fut à son tour arrêté par le Préfet et conduit sous escorte à Conakry.
Le commandant de la gendarmerie fut libéré dès son arrivée à Conakry par ce qu’il n’était pas Officier malinké.
De même le Secrétaire d’Etat à la présidence Chargé de la Sécurité et le Directeur Général des services de police sont arrêtés et incarcérés au Camp Alpha yaya le 7 juillet 1985.

Le Directeur Général des services de police qui n’était pas de l’ethnie malinké fut libéré et nommé Préfet. Par contre le Secrétaire d’Etat qui était de l’ethnie malinké fut fusillé dans la nuit du 19 au 20 Août 1985.
Ce même jour, le CMRN décore le Colonel Lansana Conté au grade de Général de Brigade pour sa brillante victoire pendant la bataille de Conakry à son retour de Lomé.

L’Association des Victimes de la Répression (AVR) exige de S. Nabbie Touré la publication de la liste des victimes de cette sanglante bataille.
Toujours le 5 juillet 1985, après le départ du cortège présidentiel pour la ville, une horde de manifestants fut lancée sur le Camp Alpha Yaya avec le slogan de : « Les comploteurs ne dormiront pas ici, nous allons exterminer tous les comploteurs ».

Le 5 juillet 1985, le nouveau Général Lansana Conté remercie ses partisans pour leur soutien et condamne les pillages et destructions des biens publics et privés.
A cette occasion, il dira qu’il n’est pas content du pillage des domiciles des malinkés dont beaucoup ne connaissent pas Diarra Traoré même en photo. Les malinkés qui habitent des bâtiments administratifs ont été victimes de saccages aussi.

Des autorités civiles et militaires à tous les niveaux appliquèrent les instructions du Capitaine Mamadou Baldé à la lettre.
A ce sujet, le journaliste et homme-politique feu Siradiou Diallo écrit : c’est dans cette ambiance électrique, faite d’outrance et de soupçon, que la plupart des officiers, sous-officiers et soldats qui n’ont pas donné de leurs nouvelles durant toute la nuit (malinké) seront arrêtés dès qu’ils pointent le nez au Camp. Des commandos spécialement préparés à cet effet se chargent de la besogne. Les « Comploteurs » réels ou imaginaires, sont effroyablement malmenés, déshabillés, battus à coup de crosse et de poings, ils sont ligotés comme des saucissons. Sans qu’ils aient ni le temps, ni les moyens de se défendre, et à plus forte raison, de s’expliquer. Leur liste a été établie dans la nuit par Monsieur Hervé Vincent Bangoura, ministre de la Sécurité, ancien Commissaire de police bien connu pour son esprit retors et son zèle sous le régime de Sékou Touré, « Hervé », comme on l’appelle familièrement à Conakry, est un de ceux qui ont convaincu Lansana Conté de ne pas précipiter l’arrestation de Diarra Traoré et ses amis, dont, assure t-il, il suit de près tous les faits et gestes depuis longtemps. « Laisse-moi faire, aurait-il dit au chef de l’Etat. Diarra n’est plus qu’un tonneau vide. Il fait du bruit mais il ne peut plus rien réussir ici. Il faut que nous le laissions se vanter. Au besoin, nous l’aiderons et le pousserons dans ses illusions jusqu’à ce qu’il se précipite de lui-même dans le piège que nous lui avons tendu. Alors le piège se refermera et nous prendrons cet imbécile comme un vulgaire rat ». Ce n’est qu’après avoir reçu ces assurances formellement données par Hervé Vincent Bangoura que le Président du CMRN s’est décidé à s’embarquer pour Lomé.
En tout, une centaine de personnes, civils et militaires, hommes et femmes, ont été ainsi appréhendés dans la plus grande confusion. Comme aux plus sombres heures du régime de Sékou Touré, le complot se traduira par des séries de règlements de comptes, d’amalgames et d’actes arbitraires. Les vrais comploteurs se retrouvent côte à côte avec des innocents embarqués dans la charrette sans preuve, ni même présomption véritable de culpabilité, seul fait de leur appartenance à l’ethnie malinké, autrement dit aussi bien celle de Diarra Traoré que de Sékou Touré. Ou en raison de vieilles rancunes, datant du régime de ce dernier. Certains, parmi les nouveaux dirigeants du régime issu du coup d’Etat militaire du 3 avril 1984, trouvent là, en effet, l’occasion rêvée d’assouvir des vengeances qui attendaient leur heure.

C’est le cas du Président de la Commission d’Enquête présidé par le chef de Bataillon Alhousseyni Fofana qui prononça la célèbre phrase annonciatrice du génocide : citations « Cette fois-ci nous allons exterminer l’ethnie malinké en Guinée, si le besoin se fait sentir plus-tard, nous importerons la semence du Mali. Je vengerai sans pitié mes frères morts au camp Boiro » fin de citations.

Le Chef de Bataillon Alhousseyni Fofana cherchera moins à faire la lumière sur les évènements du 4 juillet 1985 qu’à torturer et à humilier les accusés.
Certains succomberont à leurs blessures dans la cour du Camp Alpha Yaya avant d’être conduit à leur lieu de détention.

D’autres mourront dans les jours qui suivront à la suite de gangrène, de faim ou de déshydratation sous les ordres directs de Alhousseyni Fofana et du Commandant du Camp Alpha Yaya, Camara Fodé Komoya.

Le 6 juillet 1985, réunion extraordinaire du CMRN érigé en cour de sûreté de l’Etat et Cour martiale.
La liste des condamnés à mort fut établie.

Le 6 juillet 1985, arrestation du Colonel Diarra Traoré en compagnie de Ben Salian Kouyaté et Sory Dioubaté.
Le 7 juillet 1985, grand meeting du CMRN sur l’esplanade du Palais du peuple. La retransmission du discours du chef de l’Etat en langue nationale malinké fut interdite.

Au cours de cette adresse à la nation, le Général Lansana Conté a dénoncé deux (2) groupes de comploteurs. Le 1er groupe est passé aux actes. Il demande au second groupe de mettre fin à leurs activités sinon ils croiseront le fer avec lui.

Le 8 juillet 1985, vingt deux (22) dirigeants de la 1ère République sont exécutés sommairement à Kindia.

Au sujet de ces exécutions sommaires, le journal Africa International livre le contenu du message radio adressé par le Commandant de la 1ère Zone militaire de Kindia au ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative Conakry citations « conformément vos instructions contenues dans la lettre n° 45 du 6 juillet 1985, avons passé exécution de l’ordre reçu ce jour dans la nuit du 7 au 8 juillet 1985 à 2 heures 30 mn et mission prie fin à 5 heures 10 mn/Total :22/21 kindia/1 autre Conakry-Kindia/tout c’est passé dans des bonnes conditions/Compte–rendu détaillé parviendra avec le Secrétaire d’Etat à la Défense/et fin ».

Vive la République.

Chef de bataillon

Ibrahima Sory Diallo

L’auteur de l’article, après la lecture de ce message radio déclare qu’il apparait clairement que :
1er : C’est le Commandant Mamadou Baldé à l’époque, ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative (il est actuellement ministre résident pour la haute Guinée) qui a donné l’ordre d’exécuter les dignitaires de l’ancien régime, et cela dès le 6 juillet 1985. Il assume, par conséquent directement et totalement, la responsabilité de ces assassinats.
2ème : Le Commandant Sow, Secrétaire d’Etat à la Défense Nationale au moment des faits, a supervisé directement les exécutions. La responsabilité de Sow, qui est aujourd’hui en poste à Faranah (ville natale de feu le Président Sékou Touré), est donc engagée
3ème : Le Chef de Bataillon Ibrahima Sory Diallo, le signataire de ce message radio, a été l’exécutant de l’ordre infamant donné par Baldé. Cet Officier est actuellement Commandant de la Zone militaire de Boké.
Badé, Sow et Diallo, qui sont aux yeux de la loi des criminels, ont, de sang froid, assassiné des détenus en attente de jugement.
Ils doivent être arrêtés et jugés comme tels. En tant que militaires, ils sont passibles de la Cour martiale et de la peine capitale qu’ils ont de, leur propre Chef infligée à des gens qui n’étaient certes pas des enfants de cœur, mais qui avaient droit, comme du reste Conté s’y était engagé lors de sa prise de pouvoir, à un procès juste et équitable.
Il faut être un incorrigible optimiste pour seulement oser espérer que ces Officiers félons qui ont agi contre la foi due au peuple de Guinée lassé des tueries, seront traduits en justice afin de répondre de leurs crimes.
Le 8 juillet 1985, le colonel Diarra Traoré adresse une correspondance au Général Lansana Conté Sous-couvert de Monseigneur Robert Sara dans laquelle il cite nommément les co-auteurs et les complices du coup d’Etat manqué du 4 juillet 1985.
Après les exécutions sommaires de Kindia, dix huit (18) détenus arrêtés lors des évènements du 4 juillet 1985 (16 malinkés sur un total de 18) furent à leur tour fusillés dans la nuit du 18 au 19 juillet 1985.
Dans la nuit du 19 au 20 Août 1985, six (6) détenus arrêtés lors des évènements du 4 juillet 1985 furent fusillés à Conakry (6 malinkés sur un total de 6 détenus).
Les Cours d’exception ont été créées par l’ordonnance N° 152 du 10 Août 1985. Le décret d’application a été promulgué le 5 Août 1986.
A cet effet, le ministre de la justice au moment des faits déclare dans le journal « Jeune Afrique » qu’il ignore le lieu où les Cours ont siégé.
Le 20 Septembre 1985, le Vice-président de la Commission Nationale d’Enquête le Commandant de Gendarmerie Amadou Baldé a annoncé la libération pure et simple des ¾ des détenus reconnus innocents. A 17 heures, le président de la Commission Alhousseyni Fofana ne s’étant pas présenté comme convenu au siège de la Commission, le Vice-président s’est rendu à son domicile en vue d’obtenir sa signature au bas de la liste de libération.
A son retour, il annonça que le Président, le Commandant Alhousseyni Fofana de la Commission, membre du CMRN estime qu’il faut suspendre les libérations. Le lendemain la Commission d’Enquête fut dissoute.
Le 25 Septembre 1985, au cours d’une séance de critique et d’autocritique au Camp Alpha Yaya, devant les militaires et paramilitaires, le Président Lansana Conté a confirmé la démarche du Vice-président de la Commission d’Enquête en déclarant : ‘’Dans un coup d’Etat militaire, vous arrêtez des innocents, vous les torturez et vous vous emparez de leurs biens, vous avez fait honte à l’armée’’.
Après leurs libérations, les victimes innocentes du génocide du 4 juillet 1985 ont obtenu du CMRN une ordonnance d’amnistie dont l’article 2 ordonne pour compter de la date du 9 Février 1990 la restitution des biens saisis appartenant aux personnes impliquées dans la tentative de coup d’Etat manqué du 4 juillet 1985.

Conakry, le 7 Octobre 2014

LE BUREAU EXECUTIF AVR

Ibrahima Sory Doumessi

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