Depuis l’annonce de l’adoption d’une (nouvelle) loi encadrant les manifestations sur la voie publique en Guinée par l’Assemblée nationale, la polémique n’en finit pas. Des états-majors des partis politiques aux citoyens lambdas en passant par les organisations de défense de droits de l’homme et les juristes, les réactions figent de partout.
Si la mouvance présidentielle – qui a proposé et voté la loi pendant que l’opposition est absente du parlement – vente les avantages de cette nouvelle loi, l’opposition et les défenseurs de droits humains ne cachent pas leurs inquiétudes.
La mouvance présidentielle rassure
Pour le président du groupe parlementaire “RPG/Arc-en-ciel”, Amadou Damaro Camara, l’emploi de la force ne peut comporter l’usage des armes que dans le cadre d’une nécessité impérieuse lorsque la sécurité des forces de l’ordre est mise en péril.
Pour lui, il n’y a pas quoi de s’inquiéter. “Les forces de l’ordre sont soumises à un processus de formation et d’éducation civique”, tente-t-il de convaincre. Il soutient que les forces de l’ordre reçoivent régulièrement des cours sur le respect des droits de l’homme, qui empêchent toute bavure.
Des craintes…
Du côté des organisations de défense de droits de l’homme et des juristes, les craintes sont lisibles dans les déclarations. Pour Amnesty International qui appelle le président Alpha Condé à ne pas promulguer cette nouvelle législation, “elle comporte des lacunes majeures susceptibles de devenir des poudrières lors de futures contestations, et d’entraver le respect, la protection et la réalisation du droit de se réunir pacifiquement”. “Cette loi peut ouvrir la porte à toutes sortes de bavure”, renchérit un juriste. D’autres demandent qu’elle soit renvoyée en seconde lecture à l’Assemblée nationale ; cette fois en présence des députés issus de l’opposition.
Contexte tendu…
Le vote de la loi sur le maintien de l’ordre intervient dans un contexte tendu. En effet, à quelques mois de la fin du mandat du président Alpha Condé, la Guinée est plongée dans une profonde crise politique. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) prévoit d’organiser la présidentielle – le premier tour est annoncé pour le 11 octobre 2015 – avant les élections communales et communautaires, renvoyées au premier trimestre 2016. Mais l’opposition rejette ce calendrier.
Si cette loi est appliquée dans sa forme actuelle, les forces de l’ordre bénéficieraient d’un grand arsenal juridique, les protégeant contre toute poursuite pour les crimes qu’elles commettraient au cours des opérations de maintien de l’ordre.
Ceux qui expriment de craintes ont raison parce que les manifestations politiques enregistrées ces dernières semaines en Guinée ont pour la plupart été émaillées de violence. Bien que les autorités aient fermement démenti l’usage des armes à feu, au moins trois manifestants ont été tués par balles. Des dizaines d’autres ont été blessés.
Dans le contexte actuel, elle pourrait encourager l’usage disproportionné de la force par les forces de l’ordre contre des manifestants pacifiques.
Thierno Diallo, www.kababachir.com