[dropcap color= »#dd9933″ font= »0″]Q[/dropcap]ui l’eût cru ? Hadja Fanta Souaré, la célèbre Fanta d’Abidjan, de Conakry et de Kankan nous a quittés subitement, sans dire au revoir. Ni Dr. Al-Hadj Ousmane Kaba de Koffi Annan , ni Al-Hajj Laye-Madi Kaba, ni l’Honorable Al-Hajj N’Faly Sangaré, ni surtout Maître Al-Hajj Moriba Kaba, son époux, ne pouvaient prévoir une telle éventualité soudaine et douloureuse. Ni son amie Hadja Diaka Camara de Baro et d’Abidjan, ni l’érudit Karammô Sékou-Fankamadou Kaba de Guéckédougou, ni le maître du N’Ko, Lansiné Kakoro, avec lesquels elle pria la grande prière de vendredi et causa le soir ne pouvaient facilement y croire. Le secret de Dieu est insondable. L’événement, le grand, que seul l’individu, en tant que sujet et victime, vit se produisit dans cette même nuit du 26 septembre. Fanta rendit le dernier souffle, hélas.
Fanta Souaré, notre sœur au cœur d’or, Fanta Souaré qui proclamait haut son appartenance à la Guinée, Fanta Souaré qui bâtit un édifice élégant de commerce à Kankan et envisageait d’y laisser d’autres marques de son attachement, Fanta qui était fière d’être la fille d’Al-Hadj Sékou Souaré alias Sékou Badako, Fanta qui voulait fêter la Tabaski la semaine prochaine à Kankan et y organiser une séance de prières solennelles pour éradiquer le fléau d’Ébola de notre région, Fanta à laquelle les membres du groupe d’âge Doudiya , par admiration pour ses qualités et son exemple, donnèrent le titre honorifique de Mère, Fanta qui incarnait la modestie et l’humilité dans la richesse, cette Fanta n’est plus.
Mes frères m’ont annoncé ici à Doha au Qatar ses funérailles à Conakry dimanche 28 septembre. Qui l’eût cru ? Tout se déroula, si vite. Quelle expérience pénible ! Fanta laisse un vide, elle est irremplaçable. Heureusement, sa famille, croyante, trouvera la consolation en la foi en Dieu et en la révérence au Messager Mohammed, Le Sceau des prophètes.
Nous savons tous que la mort viendra un jour ou l’autre, qu’il est impossible de l’éviter et de changer la date que le Créateur Souverain a assignée à l’individu. Mais, faut-il nécessairement mourir à l’improviste? Pourquoi ? Moriba, Sékou, Hadja et vous autres enfants, vous vous posez cette question. Vous savez désormais qu’on est né pour mourir, nécessairement.
[quote font= »0″ bgcolor= »#c1c1c1″ bcolor= »#209ee8″]Dans une certaine mesure, la mort, c’est le but de la vie, on est destiné à vivre et à mourir. Le trépas donne un sens à l’existence en l’enlevant. La vie se construit sur cette contradiction. Si l’apparence de jeunesse ou la fortune pouvait ajourner le trépas, nous n’écririons pas ces lignes aujourd’hui, Fanta serait avec nous tous sur terre. Mais, Dieu merci, Fanta a regagné sa première et dernière résidence. Elle n’a pas connu les angoisses et les souffrances de la maladie ni la tristesse du vieillissement. Le philosophe V. Jankélévitch a eu raison d’appeler le vieil âge l’irréversibilité graduelle et douloureuse du devenir.[/quote]
Vous vous êtes tous réunis, Moriba, les enfants, les parents, les amis et les collaborateurs venus de loin, pour saluer le mystère de la vie qui se manifesta tout d’abord en l’apparition de Fanta à Abidjan le 10 février 1959 et qui se révèle encore maintenant, finalement, avec sa disparition à Conakry le 26 septembre 2014. Pour l’amour de Fanta, que tous ceux qui pleurent sa mort essuient les larmes. Que Dieu exauce les prières déjà faites et à faire. Remportons ensemble une victoire sur la mort. En l’occurrence, remercions le Souverain de nous avoir permis de connaître le sourire jovial, franc et aimable de Fanta et son grand cœur d’épouse, de mère et d’amie.
Oui, Fanta, à l’instar de son père Al-Hadj Sékou Souaré qui rendit le nom de Badako célèbre et qui pouvait se réclamer d’Abidjan, de Dakar et de Paris à cause de ses multiples biens fonciers, fit beaucoup de connaissances. Elle avait l’art naturel de sourire et d’avoir l’estime des gens. Elle se fit beaucoup d’amis, et dans des cercles variés.
Tout d’abord, elle se lia d’amitié avec les enfants des amis de son père, tels que Laye-Madi Kaba, fils d’Al-Hadj N’Faly Kaba de Kankan et Dr. Ousmane Kaba, petit-fils d’Al-Hadj Mori Diané-Kaba (anciennement de Bamako et authentique membre de Moribala), Maître Mohammed Doumbouya, Mohammed Bérété de la BCRG, pour ne mentionner que quelques noms. Elle sut cultiver l’amitié des gens de sa belle-famille, Moribala, y compris le respect d’Al-Hajj N’Faly Sangaré, doyen de ce clan à Conakry.
Fanta Souaré mérita aussi la considération et l’amitié de la famille de ses oncles maternels du Sénégal. Sa mère partit de là-bas pour Conakry où elle passa une partie de sa jeunesse chez Al-Hajj N’Fala Nabé. Et les amis à Treichville, à Cocody, à Bouaké et ailleurs ? Ils sont tous choqués par sa mort subite et donc par le mystère profond de la vie. Ils prient, tous eux aussi, pour le repos éternel de l’âme de leur nièce et amie Fanta.
Les lignes précédentes suggèrent que Fanta Souaré était loin d’être quelconque, elle ne pouvait pas l’être. L’amour de Fanta pour Kankan et la Guinée intrigue. La Guinée n’était pas son terroir natal ni celui de sa mère. Or, il est bien connu, qu’«une mère sénégalaise ne laisse pas de gaieté de cœur sa progéniture ailleurs à l’étranger», Fanta le disait parfois en plaisantant. Comment expliquer la métamorphose qu’elle réalisa?
Le terroir et la civilisation de la Guinée attirent. Il est difficile de s’arracher du magnétisme et de la fascination de ce pays. Al-Hadj Sékou Souaré démontra son amour de la patrie en visitant fréquemment Kankan et Badako et Conakry, et en y investissant. Chez lui à Abidjan, à Dakar et à Paris, la langue qu’on parlait, les plats qu’on servait et les valeurs qu’on véhiculait, tout représentait une extension de la Guinée dans ce qu’elle a de plus beau et mémorable, engageant et prometteur.
Fanta Souaré hérita le legs culturel de son père, ainsi que les biens matériels. Elle bénéficia aussi de l’attachement de Moriba, son mari (qui pourtant naquit à Bouaké en Côte d’Ivoire), au terroir et aux valeurs de ses pères et ancêtres de Moribala sur les rives du Milo.
C’est pourquoi Fanta put résister à la tentation de vivre à Abidjan ou à Paris ou d’élire résidence chez ses oncles maternels à Dakar. Ces pays l’auraient reçue les bras ouverts, cela va sans dire. Fanta aima la Guinée, malgré les conditions de vie dans le pays. Elle ne se découragea pas, malgré les frustrations qui caractérisent la politique guinéenne. Elle voua ses énergies à la terre de ses ancêtres paternels. Elle se fixa dans le pays du Référendum du 28 septembre ; elle se plut dans l’ambiance de la ville de Cheikh Mouhammad Chérif, de Karammô Talibi et des descendants de l’illustre Al-Hajdj Salim Souaré, l’un des premiers propagateurs de l’islam tolérant en Afrique de l’ouest.
Fanta crut à l’ouverture démocratique en Guinée et désira y jouer un rôle. Il va sans dire que son éloquence pondérée, sa connaissance du monde et son carnet d’adresses auraient tous pu servir à bon escient le gouvernement de l’État, l’Assemblée nationale ou la Mairie de Kankan. Mais, Dieu le Créateur et le Maître absolu donnent le pouvoir et l’autorité à Qui Il veut.
Fanta nous a enseigné les charmes, les peines et le sens de l’existence. Son parcours sur terre, à présent, s’est achevé. En plus des souvenirs, elle nous laisse, nous tous, devant le mystère final auquel nous ferons, un jour aussi, individuellement face à notre tour. Souhaitons que l’émanation spirituelle de Hadja Fanta Souaré dans l’au-delà fasse partie de celles qui nous accueilleront au portail de l’éternel, quand notre heure sonnera. Entre temps, qu’elle repose en paix et que sa famille se rétablisse du choc et fleurisse. Et que ses aspirations pour la Guinée se réalisent pour le bonheur de tous et de toutes dans la paix, la prospérité et la solidarité.
Lansiné Kaba.
Distinguished Visiting Professor
Carnegie Mellon University in Doha, Qatar,
Conakry 29 septembre, 2014