La candidature de Dadis à la présidentielle guinéenne accéléra-t-elle le dossier du 28 septembre 2009?

En officialisant son intention de briguer la magistrature suprême de son pays, Moussa Dadis Camara, ancien chef de la junte militaire qui avait pris le pouvoir au lendemain de la mort du général Lansana Conté en décembre 2008, espérait signer triomphalement son retour dans le paysage politique guinéen. L’auteur du Dadis Show pourrait regretter cette décision. Suspecté d’avoir joué un rôle clé dans la répression d’un rassemblement pacifique organisé au stade de Conakry le 28 septembre 2009 contre son éventuelle candidature à la présidentielle de l’année suivante, l’ex-capitaine – qui a récemment démissionné de l’armée – devra s’expliquer d’abord sur ce qu’il s’était passé ce jour-là, au cours duquel de graves crimes avaient été perpétrés sur des civils désarmés en pleine journée, avant d’espérer battre Alpha Condé dans cinq mois.

Si dans les états-majors des partis politiques l’annonce de la candidature de l’enfant de Koulé à l’élection présidentielle de 2015 n’a enregistré aucune réaction officielle, les victimes du massacre du 28 septembre ont, quant à elles, réagi par la voix de la présidente de l’Association des victimes, parents et amis du 28 septembre (Avipa), Asmaou Diallo. « En tant que victimes et en tant que présidente de l’association, nous demandons à ce que Monsieur Dadis, s’il arrive en Guinée de mettre dans son programme de venir devant le pool de juges pour faire son audition, parce qu’en ce moment il était le président de la République. Donc, il peut nous situer qui a donné l’ordre de tuer au stade. En tant que premier responsable, il ne peut pas ne pas savoir, croit-elle, donc on ne peut pas accepter qu’on dise qu’il n’était pas au courant de cela« , poursuit Mme Diallo. Selon l’enquête de l’ONU, cette manifestation réprimée dans le sang par l’armée guinéenne avait fait 157 morts, plus de 1 300 blessés pour la plupart par balles et des dizaines de disparus. Une centaine de femmes avaient subi de viol. Les Nations-Unies et les organisations de défense de droits humains, Human Right Watch et Amnisty International, avaient qualifié les violences de crimes contre l’humanité. Le massacre, qui avait ému l’opinion publique, précipitera la fin du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD), dont Dadis était le président. Suspectant son mentor de vouloir le désigner comme l’homme qui a donné l’ordre de tirer, Aboubacar Toumba Diakité, l’aide de camp de Camara perpétra une tentative d’assassinat contre sa personne le 3 décembre 2009. Cet incident l’écartera [définitivement] du pouvoir.

Depuis plus de cinq ans, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête préliminaire dans ce dossier. Mais la procédure est jugée trop lente par les victimes, qui exigent la vérité. En juillet 2014, le capitaine Moussa Dadis Camara avait été entendu comme témoin par un pool de trois juges à Ouagadougou, où il coule de jours tranquilles depuis son départ de la Guinée il y a bientôt six ans.

Bien que cette période soit sombre dans l’histoire de la Guinée, le désormais président des Forces patriotiques pour la démocratie et le développement (FPDD) jouit d’une grande popularité au sein des couches défavorisées du pays. Il apparaît à leurs yeux comme le sauveur d’une nation qui n’a que trop nagé dans la misère. Concernant cette affaire qui pourrait briser le rêve politique de cet ancien officier de l’armée guinéenne, nombreux pensent qu’il est plus victime que bourreau. D’ailleurs Asmaou Diallo reconnaît que les commanditaires – en tout cas les bénéficiaires de cette tuerie – pourraient se trouver ailleurs… non loin de Conakry. « Au début, j’avais de la haine [contre Dadis] mais au fil des temps j’ai compris qu’il faut écouter les gens, il faut savoir qui a organisé, qui a fait quoi. C’est pour cette raison que nous nous voulons une justice, nous voulons une vérité« , a-t-elle insisté.

Victime ou bourreau dans le massacre du 28 septembre 2009, l’ancien homme fort du camp Alpha Yaya a réussi (sans le savoir) à relancer le dossier qui était presque dans les oubliettes. Reste à savoir s’il pourra prouver définitivement son innocence. Quoiqu’il en soit Moussa Dadis Camara ne sera pas Uhuru Kenyatta de la Guinée.

Thierno Diallo, www.kababachir.com

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