L’armée burkinabée prend le pouvoir

La situation a dégénèré à Ouagadougou depuis ce matin. Les opposants au président Blaise Compaoré sont bien décidés à organiser le changement politique du Burkina Faso, malgré les appels au calme et le fait que le gouvernement ait renoncé à réformer la Constitution. Ce jeudi matin, malgré des effectifs de police importants et un cordon de sécurité à 1km de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, plusieurs centaines d’opposants étaient d’abord parvenus à pénétrer dans le Parlement pour empêcher les députés d’achever dans la journée l’examen du projet de révision constitutionnelle qui permettrait le maintien au pouvoir du président Blaise Compaoré. L’opposition avait appelé mercredi soir à un «printemps noir» sans violence et semble ce jeudi après-midi dépassée par les événements.

Sous la pression des événements, le gouvernement a annoncé, à la mi-journée, qu’il «annulait le vote de la loi» contestée, et a appelé «les populations au calme et à la retenue». Peine perdue : «les manifestants demandent maintenant le retrait du pouvoir du Président, qui n’est plus crédible», explique au Parisien.fr Guinko Désiré, ancien exilé politique, en pointe dans le mouvement de contestation, notamment de la jeunesse. Ce militant politique dénonce aussi la présence de mercenaires togolais et ivoiriens dans la garde rapprochée de la présidence. Internet et les réseaux mobiles sont coupés selon plusieurs témoins.

La rumeur enflait depuis plusieurs heures, elle a été confirmée : le président Blaise Compaoré a quitté le siège de la présidence voire le pays. L’armée burkinabèe devrait bientôt prendre la parole alors que des affrontements se poursuivent entre les protestataires et la garde présidentielle.

La capitale à feu et à sang. Depuis le début de matinée ce jeudi, Ouagadougou semble livrée aux opposants. La France, qui compte 3500 ressortissants au Faso, appelle au calme et demande «à toutes les parties de faire preuve de retenue». Les Etats-Unis, eux, se disent «très inquiets» par l’évolution de la situation. Selon nos informations, plusieurs personnes sont tombées sous les balles de militaires restés fidèles au régime. La mort d’une trentenaire est confirmée.

Les manifestants ont en partie saccagé l’intérieur de l’Assemblée, ainsi que sa façade, pour finalement y mettre le feu. Au moins trois voitures garées dans la cour et à l’extérieur du bâtiment ont été brûlées, tandis que du matériel informatique a été pillé et des documents papier incendiés, selon un correspondant de l’AFP. Les forces de l’ordre ont, semble-t-il battu en retraite. Puis les opposants s’en sont pris à la télévision nationale, la RTB, qui a cessé d’émettre, incendié le siège du parti au pouvoir, avant de se diriger vers le palais du Premier ministre et la présidence.

Si un hélicoptère lançait des gaz lacrymogènes sur la foule, et que des canons à eau tentent de la disperser, l’essentiel des forces de l’ordre semble avoir fui. Depuis le milieu de matrinée, les manifestants se sont regroupés place de la Nation, selon certains témoignages, dans le but de marcher sur Kosyam, le palais présidentiel, où six policiers auraient été gravement blessés dans le face-à-face avec les militaires. Entre-temps, plusieurs groupes se sont dirigés vers la résidence du frère et conseiller du président, François Compaoré. Celui-ci a été arrêté un peu plus tard à l’aéroport alors qu’il tentait de fuir le pays. Le général Kouamé Lougoué, suspecté d’avoir été au courant d’une tentative de putsch en octobre 2003 alors qu’il était ministre de la Défense, a rejoint la foule massée place de la Nation. En uniforme, il devrait bientôt s’exprimer.

A Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, la mairie et le siège du parti au pouvoir ont également été incendiés. Des manifestants ont aussi brûlé le domicile du maire (pro-Compaoré) ainsi que celle du porte-parole du gouvernement Alain Edouard Traoré, originaire de la région, selon des témoins cités par l’AFP.

Une importante communauté française. Selon le recensement de l’ambassade de France au Burkina Faso, près de 3500 Français vivent actuellement dans le pays principalement dans la capitale et à Bobo-Dioulasso. Le Quai d’Orsay leur recommande de rester chez eux et de «laisser passer la flambée de violences qui touche malheureusement le Burkina Faso». La France compte également une base de forces spécialises qui pourraient éventuellement évacuer les ressortissants en cas de chaos.

Lundi, le ministère des Affaires étrangères avait appelé le président Compaoré à se «conformer à la charte de l’Union africaine sur la démocratie et la bonne gouvernance», c’est-à-dire à renoncer à sa modification constitutionnelle.
LeParisien.fr

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