Le rapport accablant des experts sur le fichier électoral et le trucage d’avance de la présidentielle (Par Cheikh Yérim Seck)

Ci-dessous le rapport des experts du comité technique de suivi et de consolidation du fichier électoral que nous nous sommes procuré et que nous publions dans son intégralité…

Nous avons représenté l’opposition au comité technique de suivi et de consolidation du fichier électoral selon l’accord politique du 20 Août 2015. Les objectifs de la mission du Comité de Suivi de la Consolidation du fichier électoral sont principalement les suivants, comme indiqués dans l’Accord Politique du 20 aout 2015 :
 de veiller à ce que les opérations de consolidation du fichier et de la finalisation de la liste électorale se déroulent dans la transparence, conformément au chronogramme technique et au cadre légal ;
 d’alerter les autorités compétentes pour tout problème de nature à compromettre le bon déroulement des opérations de consolidation du fichier et de finalisation de la liste électorale ;
 de veiller à l’identification, à l’évaluation et à la correction de toutes les anomalies ;
 de contribuer à la recherche des solutions aux problèmes de nature à compromettre le bon déroulement des opérations de consolidation du fichier et de la liste électorale ;
 de veiller à ce que la CENI mette à la disposition des partis politiques une copie du fichier électoral et la cartographie complète des bureaux de vote.
En attendant le rapport définitif des représentants de l’opposition et vu l’accélération des événements, je vous transmets une note synthèse résumant nos travaux et ses résultats.
A la date du 11 Septembre, nous avons pu parcourir les tâches suivantes.
 Faire le point sur les tâches en cours au niveau de site central de la CENI
 Identification des statistiques générales du fichier électoral
 Evaluation de l’état des doublons probables et certains
 Identification de la répartition des bureaux de votes et la répartition des électeurs.
Il reste malheureusement plusieurs points non satisfaits, notamment :
 La visualisation d’échantillons d’électeurs nés soit le 01/01 ou le 01/07 ayant entre 18 et 25 ans inclus et inscrits en 2015 que nous soupçonnons contenir des mineurs
 La consultation et l’analyse de l’historique des doublons probables
 L’obtention du planning des tâches techniques et logistiques en cours ou à venir, préalables à la distribution des cartes d’électeurs. Plusieurs difficultés ont été rencontrées par le comité technique durant cette mission :
 La restriction de l’accès aux informations, pour lesquelles la CENI nous demande, assez souvent , d’adresser un courrier au président de la CENI pour obtenir une autorisation
 Le refus de l’impression des résultats de nos requêtes pour le rapport du comité
 Le non respect de l’attente de la fin de la mission du comité et la consolidation du fichier avant l’impression des cartes d’électeurs
 La partialité de certains experts de la communauté internationale (celle de l’OIF) notamment
I. Les traitements en cours au site central de la CENI
 Pour notre premier jour de travail au site central de la CENI (le dimanche 06 Septembre 2015), la CENI nous a présenté la liste des traitements en cours qui se résument en :
o La création de nouveaux bureaux de votes suites au remontées des missions de terrain
o Le traitement des affectations et réaffectations des électeurs dans les bureaux de votes (nouveaux et anciens)
o L’impression des cartes électorales ne peut se faire avant la finalisation de ces ces deux tâches en cours de traitement
 A cette date, aucune région administrative n’avait été complètement traitée. Tous les opérateurs étaient en train de traiter la région de Nzérékoré sur laquelle ils avaient déjà passé 7 jours.
II. Les statistiques globales
 Constats et résultats
Les résultats ci-après ont été constatés directement sur la base de données du fichier électoral
o Nombre d’électeurs du fichier 2013 : 5 206 118
o Nombre des nouveaux inscrits en 2015 : 1 487 355
o Nombre total d’électeurs anciens (2013) et nouveaux (2015) : 6 693 491
o Nombre total de doublons : 544 608 électeurs dont 57 549 électeurs provenant des nouveaux inscrits de 2015 et 487 059 provenant du fichier 2013.
o Le nombre d’électeurs dé-doublonnés valides du fichier unifié : 6 042 647
 Dont 1 409 940 issus des nouveaux inscrits de 2015
 Et 4 632 707 issus du fichier de 2013.
En revanche, le fichier du 2015 comporte 1 083 électeurs qui n’ont pas de photos « No Facial » et un nombre beaucoup plus importants d’électeurs dont les fichiers de photographies sont corrompus et illisibles estampillés « REVISION ». Ce nombre est inconnu mais très important. En outre, le Comité a remarqué une surreprésentation (entre 48,7% et 64,0%) des nouveaux électeurs se trouvant dans la tranche d’âge de 18-25 inscrits sur le fichier de 2015, dans les circonscriptions électorales suivantes : Faranah, Kissidougou, Kankan, Kérouané, Kouroussa, Mandiana, Siguiri, N’Zérékoré, Ratoma et Beyla. Cela devrait pousser à plus d’investigations pour comprendre les raisons. Aussi, le Comité signale des écarts importants dans le nombre d’inscriptions nouvelles en 2015, présentant un déséquilibre régional entre les trois régions administratives de Kankan, Conakry et N’Zérékoré représentant la majorité des nouvelles inscriptions.
 Analyse
La CENI a indiqué que les électeurs qui ne possédaient pas de photo en 2013 ont été intégralement déversés dans le fichier de 2015. Il existe donc un nombre important d’électeurs de 2015 ne possédant ni photo ni empreintes biométriques. Il existe une disparité importante entre les différentes régions administratives : le corps électoral de la région de Kankan a augmenté de 50% en 2 ans.
III. L’identification des mineurs
 Constats et résultats L’opposition a de fortes présomptions que des mineurs ont été enrôlés dans le fichier avec des dates de naissance qui masquent leur minorité. Pour avoir constaté que la majorité des mineurs recensés et affichés sur les listes ont souvent pour jour et mois de naissance le 01 janvier ou le 1er juillet, l’opposition a souhaité effectué des requêtes sur ces critères, sur la liste d’électeurs inscrits en 2015:
 Le nombre d’électeurs inscrits en 2015 nés un premier janvier (01/01) : 484 380
 Le nombre d’électeurs inscrits en 2015 nés un premier juillet (01/07) : 114 868
Soit un total de 599 248 électeurs inscrits valides nés les 01/01 ou les 01/07 sur une population totale de 1 409 940, soit 42% des électeurs nouvellement inscrits en 2015. 243 196 personnes parmi ces 599 248 électeurs ont entre 18 et 25 ans. Près de 40% de cette population se trouve dans les préfectures de Siguiri et Kankan. L’opposition a souhaité regardé un échantillon de 5% de ces 243 196 personnes, la mouvance s’est totalement opposée.
 Analyse
Il est impossible que près de 600 000 personnes soient nés à 2 dates sur une proportion de 1 400 000 personnes. Nous avons de fortes présomptions que plus de 50% de cette population soit des mineurs.
IV. Les doublons
 Constats et résultats Le nombre total de doublons dans le fichier unifié de 2015 est de 544 608 électeurs dont 57 549 électeurs provenant des nouveaux inscrits de 2015 et 487 059 provenant du fichier 2013.
 Analyse
La procédure de dé-doublonnage utilisée par la CENI présente des limites certaines favorisant la mouvance et défavorisant l’opposition. La procédure fonctionne comme ci-après :
 Le système de dé-doublonnage AFIS de Gemalto détecte 2 ou 3 électeurs qui lui semble être les mêmes (doublons probables);
 Ces 2 ou 3 électeurs sont alors affichés sur l’écran d’un opérateur de la CENI qui arbitre en, regardant les photos et répond par oui ou non (pour confirmer ou pas si c’est un doublon). Malheureusement, 80% des opérateurs de saisies sont des proches de la mouvance recrutés par Mme Camara Djenabou Touré, directrice adjointe de la planification de la CENI, représentante du ministère de l’Administration du territoire qui biaise tout le travail en fonction de la volonté de la mouvance. Ces opérateurs répondent systématiquement par NON (Ce n’est pas un doublon) quand l’électeur vient d’un fief du pouvoir (SIGUIRI, KANKAN etc…) ou porte un patronyme (CONDE, Diawara etc…) originaire de cette région et par OUI (C’est un doublon) quand la personne est originaire d’une région de l’opposition (Fouta, Ratoma, Boffa etc..) ou un patronyme originaire de cette région (Diallo, Balde, Soumah etc…). La commune de Ratoma à elle seule a eu 63 598 doublons sur près de 500 000, soit près de 13%. Les représentants de l’opposition ont demandé de voir la liste des personnes qui ont été détectées par la machine comme doublons probables et qui ont été ensuite considérés par l’opérateur comme « NON DOUBLON ». La CENI et la mouvance ont refusé en prétextant que cela n’est pas inscrit dans nos requêtes qui pourtant étaient juste indicatives.
 Analyse
Les représentants de l’opposition soupçonnent que les opérateurs aient considéré toutes les personnes détectées par la machine et originaire des fiefs du pouvoir comme des « Non doublons » même si c’était le cas. Nous avons de fortes présomptions sur l’existence de doublons certains parmi les électeurs originaires des fiefs du pouvoir notamment.
V. Les bureaux de vote
 Constats et résultats
A la date du 08 Septembre, 14 426 bureaux de votes avaient été créées. La répartition de ces bureaux de vote dénote un déséquilibre certain favorisant la mouvance :
o La région de Kankan, bien que n’étant pas la région avec le plus d’électeurs est celle qui a le plus de bureaux de votes : 2 724
o La région de Faranah a environ le même nombre d’électeurs que celle de Labé (respectivement 497 745 contre 495 833) mais possède 163 bureaux de votes plus que Labé (1 386 pour Faranah contre 1 223 pour Labé).
Alors que le nombre d’électeurs maximum par bureau de vote est fixé à 750, les régions de Kankan et Faranah ont plus de 80% de leurs bureaux de votes avec moins de 500 électeurs (1078 pour Faranah et 2066 pour Kankan). Ce qui donne un avantage certain à cette région par rapport aux autres notamment celles réputées être de l’opposition. Il existait encore, au 10 Septembre, 663 bureaux de votes avec plus de 750 électeurs et 170 bureaux avec plus de 1000 électeurs. Il est à noter que certains électeurs notamment de 2015 ont été affectés aux bureaux de vote par un programme automatique. Ce qui pourrait emmener certains de ces électeurs à être affecté à un bureau de vote éloigné de leurs domiciles.
 Analyse
La répartition des bureaux de votes crée un déséquilibre certain favorable à la mouvance.
VI. Chronogramme
 Constats et résultats
o Le traitement des tâches d’affectations et de réaffectation n’a été finalisé que pour la région de N’zérékoré et celle de Kankan (source CENI)
o Il reste toutes les régions de Labé, Mamou, Kindia, Boké et traitement nécessitant au moins 15 jours de traitement
o L’impression des cartes électorales nécessitent 7 à 8 jours d’après l’opérateur
o Le transport des cartes électorales nécessitera au moins 5 jours pour arriver dans les communes urbaines de la région forestière par exemple.
 Analyse
o En superposant simplement ces trois (3) tâches, il est impossible de respecter le délai légal de 30 jours de distribution des cartes électorales et aller aux élections le 11 octobre.
VII. Autres
La CENI a commencé à imprimer les cartes d’électeurs :
 avant d’avoir un fichier électoral consolidé
 avant la fin des travaux du comité technique
En privilégiant encore une fois les fiefs du pouvoir :
 Kankan et Siguiri ont été imprimés en premier alors que la région de Nzérékoré, la plus éloignée de toutes, devait être la première. VIII. Conclusions
 N’ayant pas eu accès à l’échantillon de photos demandé, le comité technique ne peut se prononcer sur la qualité du fichier. Par contre, les présomptions des représentants de l’opposition ont été renforcées par le nombre de personnes nées à ces deux dates.
 Le traitement des doublons ayant été fait de façon sélective par des opérateurs majoritairement favorables à la mouvance, cela porte préjudice à l’opposition. Le refus de la CENI de nous présenter l’historique de traitement des doublons probables conforte notre position sur cette question.
 La répartition asymétrique des bureaux de vote en donnant la part belle aux fiefs de la mouvance (en nombre de bureaux et nombre maximum d’électeurs par bureau) désavantage l’opposition
 Les délais nécessaires pour finaliser les tâches, en cours et à venir, ne permettent pas de respecter les délais légaux du code électoral et aller aux élections le 11 octobre.
 Les cartes électorales étant en cours d’impression, le comité technique n’a plus de sens.
IX. Recommandations
 L’opposition doit exiger :
o L’épuration et la consolidation du fichier électoral avant d’aller à cette élection.
o Le visionnage des potentiels électeurs mineurs (nés le 01/01 ou le 01/07)
o La répartition homogène des bureaux de vote et du nombre d’électeurs affectés
o La non distribution (sélective) des cartes électorales avant la consolidation du fichier
 Il y a suffisamment de biais dans la gestion du processus électoral actuel pour que la CENI puisse déclarer injustement le candidat du RPG-Arc-en-ciel vainqueur ; l’opposition ne devrait donc pas participer à ces élections dans le contexte actuel.
 Pour toute participation, le report des élections du 11 octobre doit être non négociable afin de pouvoir identifier, évaluer et corriger toutes les anomalies du fichier électoral.

Conakryactu.net

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