‘’Ma femme a demandé à Tiègboro de la sauver, mais il ne l’a pas fait…’’ (Témoignage poignant de Dr Ben Youssouf Keita)

Alors que le procès se poursuit au tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Conakry, avec la comparution des victimes, le massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry continue à livrer ses regrets.

Dr Ben Youssouf Keita, ancien député de l’UFDG, devenu récemment leader d’un parti politique, a fait un témoignage pathétique sur ces douloureux événements, dont lui-même il a été doublement victime. D’abord lui-même, il était au stade ce jour avec Cellou et les autres leaders politiques, en plus son épouse a été victime de cette horreur perpétrée par les forces de défense et de sécurité.

Invité dans l’émission de grande écoute « On refait le monde » chez nos confrères de Djoma tv, cet ancien haut cadre de l’UFDG raconte sa mésaventure :

« Le matin du 28 septembre, mon frère, un officier de l’armée Guinéenne à la retraite, m’a appelé, pour me dissuader d’aller au stade, en me disant qu’il va se passer quelque chose de grave ce jour de manifestations ». Mais, poursuit-t-il, « J’étais conscient et j’en avais le pressentiment, qu’il allait se passer quelque chose de dramatique, mais je ne pouvais pas refuser d’y aller, car, après ces manifestations, je ne pouvais pas me regarder dans la glace »

A la tribune ou nous nous sommes installés, ajoute l’ancien député, « ils (NDLR : militaires) sont venus nous tabasser. Un d’entre eux, encagoulé, colosse, a tapé Cellou. Je pensais qu’il était mort. C’est en ce moment que je fus convaincu que j’allais mourir. Car, je me suis dit que s’ils n’ont pas laissé Cellou, qu’ils ne laisseront plus personne. Mais Dieu merci, je me suis sauvé par miracle, avec une fracture du doigt et des balafres au dos du fait des coups de gourdins que j’ai reçus, avant de me retrouver dans une maison à Dixinn, d’où Hadja Halimatou a envoyé une ambulance me chercher pour m’envoyer à l’hôpital ».

Selon Dr Ben Youssouf Keita, malgré l’ampleur des atrocités, l’ancien ministre de la Santé, colonel Cherif Diaby  a violé son serment d’hypocrate, en tant que médecin.

« J’en veux toujours au colonel Cherif Diaby, ancien ministre de la santé. Militaire certes, mais médecin sensé à cet effet à sauver les vies. Malheureusement, il a eu une attitude contraire quand il est venu nous trouver à l’hôpital Donka. Je l’ai vu gronder et insulter les gens, ces blessés graves, qui étaient entre la vie et la mort. Pire, il est reparti et laisser ses personnes là, là-bas, sans leur apporter assistance. Il a violé son serment d’hypocrate », regrette l’ex-député.

Mais ce n’est pas tout, poursuit-il. « Là-bas aussi, à l’hôpital, les militaires sont venus chercher les gens pour une destination inconnue. J’étais obligé, grâce aux médecins qui étaient de service ce jour, de porter la blouse, pour me faire passer pour un médecin en service, pour ne pas qu’on m’envoie, moi aussi », nous renseigne-t-il.

Et Ben Youssouf Keita d’ajouter : « C’est quand j’étais à Dixinn que j’ai appris à travers hadja Halimatou Dalein Diallo que ma femme aussi était parti au stade. Aussitôt, elle m’a rassuré qu’elle va bien. Car, c’est elle qui l’a secouru quand elle s’est échappée du stade grâce à un vieux militaire qui l’a envoyée jusque dans le quartier ».

Et le pire, regrette l’ex-député, « C’est à la clinique Pasteur que j’ai retrouvé ma femme habillée bizarrement. Puis, elle m’a racontée sa mésaventure. Elle m’a dit que quand la débandade a commencé, elle a fui. Elle a été rattrapée par les militaires, qui ont déchiré ses vêtements pour la mettre toute nue. Ils ont voulu l’a violée, mais heureusement qu’elle était dans ses jours. Fâchés, à cet effet, ces militaires l’ont tabassée. Mais à côté, qu’il y avait une femme qu’ils avaient violée, puis tuée. C’est en ce moment que Tiègboro est arrivé. Ma femme a demandé à Tiègboro de la sauver, en prenant son pied, mais il ne l’a pas fait. Pire, un des gardes de celui-ci l’a violemment giflée et l’a projetée, pendant qu’elle tenait les pieds du patron de ce gendarme, en l’occurrence le même Tiègboro », relate l’homme politique.

Un témoignage qui pourrait contribuer à la manifestation de la vérité sur ces atrocités qui ont coûté la vie d’au moins 157 personnes, plus d’un millier de blessés et des dizaines de femmes violées, selon un bilan de l’ONU.

Ibrahima Sory Camara, www.kababachir.com

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.