La première fois, quand un confrère de la place a rapporté des propos prêtés au président Alpha Condé, à l’occasion de son déplacement sur l’île de Kassa, et selon lesquels il ne serait pas pressé à faciliter la justice au sujet des massacres du 28 septembre 2009, le gouvernement avait démenti. Eh bien, le week-end dernier, au nombre des propos fracassants que le chef de l’Etat a tenu notamment à Kamsar, il y en a qui tendent à confirmer que notre confrère n’avait nullement tort. En effet, s’exprimant en langue nationale Soussou, le président Alpha Condé a clairement laissé entendre que les massacres du 28 septembre n’étant pas les seuls que le pays aient enregistrés, ne sont pas sa préoccupation exclusive. Une sortie qui n’aura certainement pas manqué d’embarrasser son ministre de la justice.
Il ne serait plus étonnant que la CPI dessaisisse la Guinée du dossier du 28 septembre. En tout cas, avec le discours que le chef de l’Etat a tenu à Kamsar, le 2 novembre dernier, au sujet de ces massacres, la Guinée peut se voir accusée de manquer de volonté politique. En effet, devant un public qu’il avait manifestement à cœur de conquérir, le président Alpha Condé a, en substance, déclaré : « J’ai dit aux Blancs (occidentaux) que le massacre du 28 septembre n’est pas mon unique préoccupation. Car bien avant, des massacres ont été perpétrés au Camp Boiro (tristement célèbre prison où Sékou Touré détenait ses prisonniers, NDLR), en 1985 (la tentative de coup d’Etat de Diarra Traoré, NDLR), en 2006 et2007 (révoltes populaires contre le régime du général Lansansa Conté, NDLR). Que fait-on de ces autres crimes ? ».
Fidèle à un raisonnement selon lequel le sang d’aucun guinéen n’est supérieur au sang d’un autre guinéen, le président Alpha Condé, particulièrement sûr de son fait, a poursuivi : « J’ai dit à ceux qui sont pressés de rendre justice aux victimes du 28 septembre de me laisser tranquille. Je n’accepterai pas qu’on me parle que de ce massacre seulement ».
De tels propos, bien de Guinéens et des acteurs de la communauté internationale, pourraient bien les regretter et les condamner. Mais celui qu’il devrait le plus les embarrasser, c’est le ministre de la justice et garde des Sceaux. On se rappelle avec quelle détermination Me Cheick Sacko a naïvement pris, ces derniers temps, des engagements en faveur d’une gestion harmonieuse et sereine du sensible dossier du 28 septembre. Quelques observateurs lui avaient cependant conseillé une certaine prudence. Parce que, disaient-ils alors, avec Alpha Condé, on n’est jamais sûr de rien. On n’est jamais à l’abri d’une surprise.
Anna Diakité, www.kababachir.com