Les autorités guinéennes usent de tout ce qu’elles peuvent pour faire admettre la situation de quasi-monopole qu’elles ont accordée à Bolloré Africa Logistics dans la gestion du port autonome de Conakry. C’est ainsi que le Directeur général du port, engagé dans une grosse opération de communication destinée à faire passer l’attribution du trafic Ro-Ro au groupe de l’ami personnel du personnel comme légal et légitime, vient d’animer une sorte de conférence de presse à l’intention de confrères de la place triés sur le volet. Au cours de cette rencontre avec ces confrères, Mamadouba Sankhon s’est essentiellement appuyé sur le fait que les anciens gestionnaires du port sont défaillants, alors que Bolloré serait tout autre. Mais dans sa communication, le DG du port a énoncé un raisonnement dont la portée pourrait largement dépasser le cadre strict du port.
Lancé dans ses diatribes contre Getma international et les autres opérateurs portuaires qui dénoncent le monopole concédé à Bolloré, Mamadouba Sankhon a tout d’abord dénoncé les salaires de misère que ces dernières sociétés accorderaient à leurs employés. Il révèle ainsi que certaines de ses sociétés n’accordent que 20 à 30.000 GNF/jour à leurs travailleurs. Poursuivant dans la même dynamique, il déclare : « Celui qui paie le plus ici, c’est le Libanais propriétaire de l’huilerie de Guinée, qui donne 50 mille ». Aussi, poursuit-il : « Si vous donnez ce montant à un guinéen, vous le faites entrer au port, quand il va trouver un objet précieux, mais il va voler non ? ». Et c’est cette dernière question de Mamadouba Sankhon qui pose problème.
En effet, n’est-il pas en train de justifier le vol par le bas salaire ? Serait-il en train de dire que ceux qui ne perçoivent des salaires mirobolants devraient voler ? Dans ce cas, que devraient faire les petits enseignants dont on sait le maigre salaire qu’ils perçoivent de la fonction publique ne suffisent pas à nourrir leurs familles et payer le loyer ? Quid des infirmières ? Ou encore des journalistes ? Etc…
Par ailleurs, quel est le salaire qui met à l’abri de la tentation du vol ? De toute évidence, Mamadouba Sankhon se lance dans un débat dont il n’est pas sûr de s’en sortir gagnant. La question est d’autant plus délicate que l’évaluation du salaire est quelque chose d’éminemment relatif. Les travailleurs de Bolloré dont il vante aujourd’hui le traitement salarial ne peuvent-ils pas, en se comparant à leurs collègues des autres pays de la sous-région, estimer que leurs salaires sont insignifiants ? Dans cas, devraient-ils voler à leur tour ?
On comprend bien que les autorités soient en quête d’arguments destinés à faire gober l’entrée de Bolloré au port autonome de Conakry. Il ne faut certainement recourir à toutes les justifications. Sinon, elles risquent de ne pas en sortir facilement.
Anna Diakité, www.kababachir.com