Télécommunication : Fraude à réseau ouvert, que fait l’A.R.P.T ?

Monsieur Sylla reçoit un appel téléphonique de Monsieur Diop qu’il a rencontré à Paris au cours d’un séminaire auquel ils participaient tous les deux pour lui dire bonjour. Sur l’écran de son téléphone, s’affiche un numéro à l’indicatif téléphonique guinéen. Estimant que son ami séjournait à Conakry, il lui demanda quand est-ce qu’il y est arrivé et où loge-t-il. Celui-ci lui répond qu’il est toujours à Paris. Éberlué, il n’en revenait pas.

Beaucoup de personnes comme Monsieur Sylla ont été ou sont dans cette confusion. Comment quelqu’un vivant en France, n’étant sur le roaming, peut appeler un correspondant résident à Conakry avec un numéro guinéen ? Cette pratique s’appelle le piratage des réseaux GSM, un autre mode opératoire de cybercriminalité.

Des maffieux de mauvais aloi (gros bonnets de l’administration, autochtones lambdas, étrangers (chinois, nigérians, libanais, turcs…)), frauderaient les réseaux des opérateurs agréés par les autorités guinéennes des télécoms et titulaires de licences d’exploitation de téléphonie mobile à l’aide d’équipements téléphoniques dont un V-SAT et un SIM-Box. Ils achètent des cartes de recharges téléphoniques et des cartes SIM qu’ils rechargent puis les introduisent dans les slots du SIM-Box (terminal téléphonique) et l’affaire est en marche. Ils auraient des sites domiciliés aux U.S.A, au Canada, en Israël, en Russie et partout à travers le monde, collaborant avec la pègre russe ou israélienne. Selon des indiscrétions, ils auraient même des complices au sein des compagnies téléphoniques de la place qui les renseigneraient lorsqu’on doit procéder à la destruction des cartes SIM suspectes repérées depuis leur centre de détection de fraudes.

Face à cette recrudescente et itérative fraude que pratiquent les filous, L’A.R.P.T (l’autorité de régulation des postes et télécommunications), s’est outillée d’une station radiogoniométrique mobile (véhicule automobile équipé des dernières technologiques ultraperformantes afin d’écouter, de contrôler et de localiser les fréquences radioélectriques pouvant être sources d’insécurités, de fraudes et de brouillages des émissions) dans un rayon donné, pour un montant qu’elle s’est réservée de nous révéler.

On la rencontrait sur toutes les routes, rues et ruelles de Conakry et sa périphérie traquer les maffiosos. Et même dans d’autres villes du pays où la pratique s’effectuait. Ce qui avait dissuadé les membres de la pègre à mettre momentanément un frein à leurs activités subversives ou à les délocaliser en Sierra Léone et au Libéria où la surveillance est presqu’inexistante.

Ces multiples opérations ont eu comme résultats, le démantèlement d’importants réseaux derrière des écrans comme des restaurants, des commerces et mêmes des logements. C’est alors qu’on a découvert au casino de la cité des chemins de fer un réseau chinois, un autre au restaurant Istamboul adjacent à la Direction de la Police Judiciaire (D.P.J) à Kaloum et un autre dans un immeuble presque désaffecté du côté de la Bellevue dans la commune de Dixinn, entretenu par des nationaux, des syriens près de la mosquée sénégalaise et des sénégalais à Lambanyi. La radiodiffusion télévision guinéenne (R.T.G) avait diffusé les images des coupables ou présumés coupables appréhendés y compris d’importants matos saisis dans ces lieux. Et depuis lors on ignore ce qu’ils sont devenus car nous n’avons jamais eu connaissance d’un quelconque procès les concernant. Des alevins étaient tombés dans les nasses des services de sécu, cependant les requins continuent à nager librement dans les méandres de ladite magouille téléphonique.

Depuis un certain temps, point de station radiogoniométrique mobile, point de traque, et revoilà les crapules au boulot. La fameuse station radiogoniométrique mobile est invisible. Que s’est-il passé, l’A.R.P.T s’est-elle essoufflée ou c’était juste une opération poudre aux yeux comme on en a coutume au pays du prof ?

« La station radiogoniométrique mobile est toujours opérationnelle. Nous faisons deux sortes de sorties. Une périodique et une autre en cas de brouillage. Afin de lutter efficacement contre ce fléau qu’est l’interférence, il nous faudra deux véhicules de ce type et une station fixe. Pour l’acquisition du second véhicule, nous avons publié un appel d’offres internationales sur notre site et dans beaucoup de journaux de la place, et c’est le fabricant allemand Rod And Schwartz qui fut retenu comme adjudicateur », rétorque Madame Camara Aminata Kaba, Directrice Radiocoms à l’A.R.P.T.

« De commun accord entre le département des finances et notre autorité en septembre 2009, un arrêté fixant le tarif moyen de tout appel entrant en guinée à 28 cents de dollars US. Depuis lors, des petits malins ont mis en place des lignes grises pour contourner le circuit normal, ce qui crée une énorme perte d’argent pour l’état. C’est ainsi que nous nous sommes outillé d’un système pour lutter contre en rapport avec les autres operateurs. Quand nous détectons un numéro qui fraude dans une SIM-Box, nous transmettons le rapport à l’operateur en question pour le désactiver. Nous sommes passés d’un rapport quotidien à celui de chaque cinq heures, puis à celui de chaque deux heures pour rendre toujours plus performant le système. Vu la pertinence des fraudeurs, nous sommes à un rapport après chaque quinze minutes. Afin de mieux combattre, nous avons renforcé nos capacités avec des outils nous permettant de localiser la zone qui abrite la fraude. Nous avons des équipes mobiles qui ont procédé au démantèlement et à l’arrestation de quatorze groupes. Si la localisation des sites abritant la fraude à cause de la présence d’un V-SAT était facile, internet de nos jours la rend un peu plus difficile, rien qu’avec son téléphone portable on peut partager ses crédits et sa connexion », nous confie Monsieur Bah Mamadou Lamarana, directeur des réseaux à l’A.R.P.T.

Selon toujours Monsieur Bah, « Avant, il n’y avait que des étrangers qui y opéraient. Mais à ce jour beaucoup de nos compatriotes la pratiquent. En mai 2014, en collaboration avec les services du colonel Camara Moussa Thieboro, nous avons procédé a l’arrestation du dernier groupe contre lequel nous avons intenté un procès en justice qui est en cours. Aucun réseau n’est épargne, Arreba fut le plus piraté par le passé, mais actuellement c’est Orange qui l’est. La station mobile radiogoniométrique est toujours opertationnelle, nous avons acquis une seconde pour traquer et mettre hors d’état de nuire les fraudeurs. Cette pratique est définie comme une fraude informatique qui est légèrement sanctionnée par rapport à la dimension de la forfaiture commise. A ce niveau, le législateur doit faire une redéfinition de l’acte pour mieux le sévir.»

D’après une de nos sources, leur gain varie entre cinq mille dollars US par semaine, et dans certains cas le même montant comme recette journalière. La plus grosse prise effectuée fut des Citoyens Libanais dont la consommation par jour en cartes de recharge avoisinait les douze millions cinq cent mille francs guinéens. Afin de n’éveiller aucun soupçon, certains font des cartes Sim un usage unique pour ensuite les détruire.

« Lorsque nous constatons un cas de piratage, nous procédons à la suppression du numéro concerné. A part de ça, nous bénéficions d’aucune assistance de l’A.R.P.T», nous a dit Madame HardyNatacha, chargée de communication à Cellcom-Guinée.

En bouclant la rédaction de cet article, un de nos correspondants a appelé de New York pour faire part de sa compassion suite au décès de la mère d’un des nôtres, c’est un numéro de l’opérateur Cellcom qui s’est affiché sur l’écran du téléphone récepteur. Pourquoi ces lignes grises son elles difficiles à combattre ? seraient-elles ad vitam aeternam ?

Selon une de nos sources, c’est le réseau Cellcom qui serait le plus piraté actuellement.

Que l’état joue pleinement sa partition, car si ce mal n’est pas éradiqué, sa sécurité pourrait en pâtir en brouillant les fréquences radios. A bon entendeur…

Nous y reviendrons…

Bayo Ibrahima Kalil pour www.actuconakry.com

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