Thierno Mamadou Bah, journaliste et Directeur de publication du Défi, échappe à une tentative d’enlèvement

En dépit de toutes les législations relatives à la liberté de la presse votées, le journalisme reste et demeure un métier difficile à exercer en Guinée. Que ce soit pendant les couvertures des manifestations ‘pacifiques’ de l’opposition, les investigations sur des malversations financières impliquant de hautes personnalités de l’État ou pour avoir exprimé une opinion, les journalistes sont victimes d’agressions physiques, intimidations et/ou menaces de mort. Le dernier cas en date concerne le journaliste et Directeur de publication de l’hebdomadaire indépendant Le Défi, Thierno Mamadou Bah.

Connu pour ses positions critiques à l’encontre du président Alpha Condé et de son régime, notre confrère dit avoir échappé de justesse à une tentative d’enlèvement, ce samedi 16 mai, à Conakry. ‘Dieu m’a sauvé encore une fois ce matin. Des gens ont voulu m’enlever pour m’envoyer je ne sais où. J’ai reçu plusieurs appels, 4 ou 5 appels d’affilé d’un numéro Orange. Ne connaissant pas le numéro et vu l’heure, je n’ai pas voulu décrocher. Donc les appels n’ayant pas été décrochés, j’ai reçu trois minutes après, un SMS du même numéro (…) m’annonçant un incendie au siège de mon journal.’, a-t-il annoncé. Inquiété par ce qu’il vient d’apprendre, le journaliste décide de rappeler son ‘informateur’. Au bout du fil, une voix féminine qui commence par l’insulter. ‘J’ai donc rappelé et au bout du fil une voix féminine qui refuse de s’identifier et qui me parle hâtivement : vous les journalistes là vous êtes gonflés… Moi c’est juste vous dire que l’immeuble qui abrite vos bureaux a pris feu, lui a-t-elle dit, avant de poursuivre : l’incendie s’y est déclaré depuis vers 5H30 mais je cherchais votre numéro. Les deux premiers niveaux sont calcinés et si vous ne venez pas vite vous allez tout perdre‘, puis elle raccroche et ferme son téléphone.

Décidé à sauver les locaux de son hebdomadaire, il sort de chez lui en catastrophe pour le bureau. Trois personnes l’aurait tendu un guet-apens en cours de route. ‘A Symbaya gare (…), trois hommes étaient arrêtés là. Deux d’un côté et un de l’autre. J’ai cru comprendre qu’ils cherchaient une occasion pour Cosa. Un d’eux, le plus court, m’a adressé la parole et j’ai donc baissé la vitre avant, côté passager et il m’a dit qu’ils cherchaient à aller à Petit Symbaya. J’ai dit que j’étais désolé et que je venais juste à côté. J’ai donc rapidement remonté la vitre. Dès que j’ai remonté la vitre, chacun des trois s’est précipité sur une portière et a tenté de l’ouvrir de force. Mais vu que les portuaires se verrouillent automatiquement, ils n’ont pas réussi à les ouvrir’, s’est-il félicité.

Ayant compris la gravité de ce qui s’apparente à une tentative d’enlèvement, Thierno Mamadou Bah a , malgré l’état piteux de la route, accéléré rapidement pour s’échapper du lieu. Ils l’aurait poursuivi à bord de deux motos.

Selon la reconstitution de la police judiciaire, c’est comme ça que l’ancien ministre de la Jeunesse, Thierno Aliou Diaouné, avait été enlevé à Lambanyi et conduit à Yattaya où il fut tué par balles en janvier dernier. Si le mobile de ce crime est présenté par flics comme étant une tentative de vol de sa Toyota Land Cruiser qui a mal tourné, ce nouveau incident laisse penser à l’existence d’un commando chargé de régler les comptes des critiques du régime actuel. D’autant que le porte-parole de l’opposition, Aboubacar Sylla, a lui aussi fait l’objet d’une tentative d’assassinat.

M. Bah, après s’être rendu au poste de la Gendarmerie de Cosa où il a passé environ cinq minutes, arrive sur les lieux. Il remarque qu’il n’y avait pas d’incendie, pas d’attroupement, tout était calme. Ainsi, il juge nécessaire de ne pas s’arrêter là. Il fait donc un détour vers le stade de Nongo et reprend la route de Bantouka pour revenir sur Cosa, Matoto, et rejoindre son domicile.

Notre confrère annonce qu’il compte porter plainte contre X pour tentative d’enlèvement, même si, dit-il, il sait à l’avance, vu l’expérience, que la plainte ne servira à rien.

Aujourd’hui, Thierno Mamadou Bah dit craindre sérieusement pour sa sécurité et celle de ses proches.

Thierno Diallo, www.kababachir.com

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