Malgré l’annulation du projet de modification de la Constitution qui a mis le feu aux poudres, les opposants au chef de l’État qui ont envahi et incendié le Parlement à Ouagadougou ne se calment pas. Les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur la foule.
Ils ont pris d’assaut la télévision nationale, envahi le Parlement avant d’y mettre le feu : les opposants au président burkinabé, Blaise Compaoré, sont passés à l’action. Ils protestent contre le projet de loi de révision constitutionnelle actuellement en débat au Parlement. Celle-ci pourrait permettre à Blaise Compaoré de se représenter à l’élection présidentielle en 2015. Or cela fait 27 ans que ce dernier est à la tête du Burkina-Faso… Après ces attaques et par crainte que les débordements n’enflamment tout le pays, le gouvernement a déclaré l’annulation de ce projet et a appelé la population au calme.
Seulement, après avoir saccagé le Parlement, des centaines de manifestants sont à présent regroupés devant le palais présidentiel, où ils font face à la garde présidentielle. La situation a également dégénéré au domicile de François Compaoré, le frère du président et personnalité influente du régime. Alors que les manifestants tentaient de prendre d’assaut les lieux, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles sur la foule, faisant au moins un mort, selon un témoin cité par France 24. L’intéressé a finalement été arrêté à l’aéroport de Ouagadougou, affirme RFI. Les échauffourées ne se limitent pas à la seule capitale. À Bobo Dioulasso, la deuxième ville du pays, la mairie et le siège du parti présidentiel ont été incendiés.
L’un des chefs de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, a appelé sur Twitter au respect de la démocratie, excluant toute prise de pouvoir par la force. L’autre opposant Bénéwendé Sankara affirme que l’armée burkinabè s’est «soudée avec le peuple». Les dirigeants de l’opposition doivent rencontrer dans l’après-midi l’influent général Kouamé Lougue concernant une éventuelle transition. La France, ex-puissance coloniale, a appelé au calme et demandé «à toutes les parties de faire preuve de retenue». Paris compte «un peu plus de 3500 ressortissants» officiellement recensés dans le pays. La Maison-Blanche, autre partenaire du Burkina Faso, a aussi fait part de sa «vive inquiétude». Car le pays sahélien joue un rôle incontournable dans cette zone en proie aux menées de groupes djihadistes liés à al-Qaida.
Cela fait 27 ans que Blaise Compaoré est au pouvoir
Pour le régime en place depuis 1987, il s’agit de la plus grave crise depuis l’immense vague de mutineries de 2011. Arrivé au pouvoir à la faveur d’un coup d’État, qui avait coûté la vie à son prédécesseur, Blaise Compaoré a ensuite été élu pour deux septennats (1992-2005) et deux quinquennats (2005-2015), la dernière fois en novembre 2010 avec le score soviétique de 80,15% des suffrages exprimés. Malgré ces nombreuses années d’exercice, Blaise Compaoré n’est pas lassé d’exercer la fonction suprême et prépare déjà le terrain de l’élection de 2015. Théoriquement, il n’a pas le droit de se représenter, la Constitution limitant le nombre de mandats présidentiels. Mais le président ne l’entend pas de cette oreille. Les proches du chef de l’État avancent que celui-ci voudrait «achever la modernisation du pays».
Le 21 octobre, le Conseil des ministres avait donc annoncé la tenue prochaine d’un référendum pour modifier la Constitution. L’objectif: retoucher l’article 37 limitant à deux le nombre de mandats présidentiels. Une vieille ficelle: l’article 37 a déjà été modifié en 1997 puis en 2000, pour permettre à Compaoré de se maintenir au pouvoir. Après le ralliement le week-end dernier de la troisième force politique au parti présidentiel, l’exécutif pourrait disposer du nombre de parlementaires nécessaire – les trois quarts de l’hémicycle, soit 96 sièges sur 127 – pour entériner directement la loi, sans passer par un référendum.
Mardi, une monumentale manifestation s’était déroulée dans les rues de Ouagadougou, rassemblant plus d’un million de personnes selon les organisateurs, aux cris de «Blaise va t’en» ou du moins poli «Blaise dégage». L’opposition craint que ce nouveau changement, qui ne devrait pas être rétroactif, conduise le chef de l’Etat à accomplir non pas un mais trois mandats supplémentaires, lui garantissant 15 années de plus au pouvoir. Un cauchemar pour une partie de la population: 60% des 17 millions de Burkinabé ont moins de 25 ans et n’ont jamais connu d’autre dirigeant que Blaise Compaoré. Le Burkina fait partie des 10 pays les moins développés du monde. Dans ce pays très jeune et très pauvre, la moindre étincelle peut mettre le feu aux poudres, ce qui avait conduit le gouvernement à fermer les écoles et les universités il y a une semaine, alors que la gronde commençait à monter.
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