Le président Blaise Compaoré est en fuite, le chef d’état-major des armées a affirmé assumer les « responsabilités du chef de l’Etat » mais une partie de l’armée le juge trop proche de l’ancien régime.
Le Burkina Faso se réveille sans président mais avec deux chefs de l’Etat. C’est dire si la confusion est à son comble dans cette ancienne colonie française, indépendante depuis 1960.
Deux militaires se sont proclamés nouveau leader du Burkina Faso au lendemain de la chute du président Blaise Compaoré, après 27 années d’un règne sans partage. Vendredi après-midi, le chef d’état-major des armées, le général Nabéré Honoré Traoré, avait fait savoir qu’il assumerait les « responsabilités de chef de l’Etat », « conformément aux dispositions constitutionnelles », quand bien même l’intérim revient au président de l’Assemblée nationale en cas de « vacance » du pouvoir, selon les termes de la Loi fondamentale burkinabè.
Si cette déclaration devait être entérinée, il s’agirait d’un « coup d’Etat » qui entraînerait une « mécanique de sanctions », a réagi une source diplomatique française.
L’annonce, qui a provoqué la colère dans les rues de Ougadougou -le général Traoré étant considéré comme trop proche de l’ancien chef de l’Etat- a également provoqué des dissensions dans l’armée.
Le Burkina ferme ses frontières
Le colonel Isaac Zida, à la tête d’un groupe de jeunes officiers, a multiplié les interventions, décidant dans un premier temps de la « suspension » de la Constitution. Puis il a annoncé la fermeture des frontières terrestres et aériennes, confirmée par une source française, ainsi que la « prise du pouvoir » par « les forces vives de la nation et les forces armées nationales » qu’il représente.
Fort du soutien d’importantes composantes de la société civile, dont le « Balai citoyen », organisation en pointe dans la mobilisation anti-Compaoré, le groupe a également déclaré qu’il mettrait prochainement en place un nouvel « organe de transition » favorisant un « retour rapide » à l’ordre constitutionnel.
Dans la nuit de vendredi à samedi, le colonel Zida, devant les caméras d’une télévision privée, a à son tour déclaré qu’il « assumait » les responsabilités de « chef de la transition » et de « chef de l’Etat », invitant « l’ensemble des partis politiques et des organisations de la société civile » à définir les « contours » et « contenus » d’une « transition démocratique apaisée ».
Plus tard, lors d’une interview, il a qualifié de « caduques » les déclarations de son concurrent.
L’opposition attend la prise de parole des militaires
Ces deux hommes, au discours identique, prétendant au même poste, ont supplanté un troisième homme, le général en retraite Kouamé Lougué, pourtant favori de la foule. Les deux hommes devaient se rencontrer samedi, a-t-on appris auprès de leur entourage.
Isaac Zida s’entretiendra également avec d’autres militaires, des diplomates et des responsables politiques, a-t-on ajouté de même source.
L’opposition ne s’est pas ouvertement positionnée. « C’est à eux de s’organiser. J’espère qu’ils vont s’entendre », a observé son chef, Zéphirin Diabré, interrogé par l’AFP au sujet de ces divisions entre militaires.
« On s’attend à ce que l’armée nous dise ce qu’elle compte faire de la transition, nous leur dirons ce que nous pensons », a ajouté Zéphirin Diabré, espérant que cette transition vers un régime civil durerait moins d’un an.
Le Burkina Faso n’a connu qu’un seul président ces 27 dernières années. Blaise Compaoré, arrivé en 1987 au pouvoir par un coup d’Etat, avait ensuite effectué deux septennats et s’apprêtait à achever son deuxième quinquennat.
Sa mésaventure représente un coup de semonce pour les présidents africains qui seraient tentés, comme lui, de retoucher la Constitution. Quatre pays – République démocratique du Congo, Burundi, Congo Brazzaville, Bénin – envisageaient des révisions similaires.
Avec AFP