DRAME DE WÖME : L’autorité de l’Etat en cause

Avec les événements meurtriers de Wömè, la région forestière est de nouveau au-devant de l’actualité nationale. Une nouvelle fois, des citoyens y sont tués de la plus abjecte des manières. La réticence que certains opposent à l’épidémie à virus serait une des causes de ce nouveau drame. Mais à un niveau plus profond, c’est l’autorité de l’Etat qui se trouve bafouée de nouveau.

 

Sept morts et deux disparus, c’est le bilan que le premier ministre, lui-même, a annoncé au cours de son adresse de circonstance. Les victimes étaient parties dans la localité de Wömè pour sensibiliser les populations dans le cadre de la lutte contre Ebola. Mais à leur plus grand étonnement, elles auront finalement eu en face leurs bourreaux. Reprochant à la délégation conduite par le gouverneur de N’Zérékoré en personne, de divulguer l’invention que constitue, à leurs yeux, l’épidémie, les populations de Wömè se sont attaqués à cette dernière comme s’il s’agissait d’ennemis pris au front. Quelques rares membres de la délégation ont réussi à fuir et a sauvé leur peau. Les autres, incapables de rallier d’autres localités, vu que les ponts avaient été démolis entre temps, ont été pris par leurs ravisseurs. Ne se contentant pas battre leurs victimes, ils les ont littéralement tuées. Sur certains corps, les traces de machette seraient clairement visibles.

 

Au-delà d’une simple résistance à Ebola, ce nouveau drame est repose la question de l’autorité de l’Etat. Une autorité qui est très souvent brandie à propos des marches que l’opposition organise à Conakry. Mais qui, décidément, est totalement inexistante dans certaines localités dont la région forestière. Cette situation est cependant fruit d’une lente évolution. Elle est le résultat de la manière dont les précédentes crises ont été gérées. Il faut en effet rappeler que par le passé, en dépit d’une kyrielle de violences meurtrières comme celle aujourd’hui de Wömè, l’Etat ne s’est jamais manifesté dans le cadre de l’administration d’une justice qui permette de situer les responsabilités. L’approche du colmatage a souvent été préférée. C’est ce qui a prévalu lors des événements de Galapaye, de Saoro, de Zogoto ou plus récemment encore, dans les affrontements interethniques qui avaient émaillé la ville de N’Zérékoré. En dépit d’un bilan, à chaque fois, élevé, les autorités se sont refusé à affronter la réalité en face. Aucune enquête exhaustive, objective et aboutie. Aucune condamnation d’éventuels coupables. En lieu et place, on a privilégié l’approche communautaire. Globalement, à l’aide d’un cadre originaire de la localité, on demande aux deux camps en conflit d’oublier ce qui s’est passé et de faire comme si rien ne s’était passé. Se servant de prétendus sages du coin comme catalyseurs, on demande que les uns et les autres se remettent à vivre ensemble, comme si les uns n’avaient jamais perdus les leurs par la faute des autres. Exploitant avec un certain cynisme la misère qui tenaille très souvent les populations, on les contraint à céder à cette comédie et à cette résolution de façade.

 

Le danger d’une telle approche, c’est que dans le camp des victimes, elle accumule et fortifie les rancœurs. Alors que dans celui des bourreaux, elle consolide le sentiment d’impunité et de toute-puissance. D’où la répétition des crises et des violences.      

Anna Diakité, Kabanews

  1. abdoulayebah dit

    Belle analyse, Mme Anna Diakité! C’est rare que les journalistes guinéens aillent au-delà de la simple narration des faits sans un apport personnel, lorsqu’ils n’étalent pas à des diatribes à caractère ethniques.

    Vous lire fait plaisir!

  2. […] que l’équipe a été prise à partie des gens armés. Mme Anna Diakité, Kabanews raconte les circonstances de l’agression […]

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