Fodéba Isto Kéira « Nous avons décidé de nous engager dans la politique…»

 « Nous avons décidé de nous engager dans la politique. Nous ne pouvons pas rester dans l’attentisme coupable… »

Dans une interview qu’il a accordée à notre site,  l’opérateur culturel, l’ancien ministre de la jeunesse, des Sports, de la Promotion et d’Emploi Jeunes, l’ancien ministre des Arts et de la Culture, Fodéba Isto Kéira a, en ses termes, réaffirmé sa descente dans le paysage politique guinéen.

Sans commentaire aucun, lisez l’intégralité de notre entretien :

Présentez-vous à nos lecteurs.

Je suis Fodéba Isto Kéira, opérateur culturel, ancien ministre de la jeunesse, des Sports, de la Promotion et d’Emploi Jeunes, ancien ministre des Arts et de la Culture, ancien Directeur de l’Agence Guinéenne de Spectacles (AGS), ancien Directeur de l’Office Guinéen de Publicité (OGP), aujourd’hui, président du Bureau Export de la Musique Africaine (BEMA) et Manageur général de MASS Productions.

Aujourd’hui, la Guinée est stigmatisée par certains pays du monde à cause de la fièvre hémorragique à virus Ebola.  Votre avis là-dessus.

Oui. Effectivement, c’est triste pour notre pays que nous soyons stigmatisés par la présence de cette fièvre Ebola. Mais il vous souviendra que le virus Ebola n’est pas un mot d’origine guinéenne. Lorsqu’on remonte un peu l’historique des données des Organisations Mondiales de la Santé (OMS), le virus Ebola, pour la première fois, a été détecté en RDC, l’ancienne République du Congo Zaïre. Et ce virus-là qui porte le nom du village Ebola qu’il l’a abrité pour la première fois, n’était pas à l’époque connu. C’est pour cela qu’on l’appelle  virus Ebola. Donc ça porte le nom du village qui a connu l’existence de ce virus, et qui, souvent, se retrouve au niveau des animaux comme les chauves-souris, les animaux sauvages que nos populations consomment. Aujourd’hui, notre pays se trouve confronté à cette dure épreuve. Je crois que la stigmatisation n’est pas une solution au problème d’Ebola. Et nous devons comprendre que le problème d’Ebola  n’est pas un problème exclusivement du président de la République, Pr Alpha Condé et de son Gouvernement. C’est un problème national. Aujourd’hui, nous devons faire une union sacrée autour du Chef de l’Etat, Alpha Condé pour que toutes les forces vives de la Nation guinéenne se donnent la main pour booster cette maladie qui est en train de causer une lourde tribu à l’économie de notre pays. On ne peut pas parler de politique sans économie, on ne peut pas parler de culture s’il n’y a pas d’économie.  Et lorsque cette économie se trouve ébranlée par l’existence de cette épidémie, et que certaines frontières nous soient fermées surtout, les pays voisins comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ainsi que d’autres pays notamment, la Gambie pour ne citer que ceux-là, je dénonce vigoureusement la fermeture des frontières aux populations guinéennes. C’est dommage ! Ce n’est pas je pense, la solution de fermer les frontières avec notre pays. Aujourd’hui, il doit y avoir une ‘’Union sacrée’’ entre le président de la République et toutes les forces vives de notre pays comme en 1958 lorsque tous les partis Socialistes s’étaient réunis pour conduire la Guinée au ‘’Référendum’’ du 28 Septembre qui a préparé l’accession de la Guinée à l’Indépendance de 2 octobre de la même année. Donc aujourd’hui, ce  n’est pas une affaire politique ni une affaire de dette ni une affaire d’ethnie ou de stigmatisation. Tout doit se donner la main.

C’est pourquoi, l’offensive diplomatique que mène aujourd’hui, le président en exercice de la CEDEAO qui est venu en Guinée, pour faire un plaidoyer. Sa présence dénote de façon très éloquente, son ambition de faire en sorte que les frontières des pays de la CEDEAO, soient rouvertes et que des dispositions adéquates au niveau des cordons sanitaires soient renforcées. C’est ce qui peut, n’est-ce pas, renforcer la sécurité des populations. Les gens doivent cesser de stigmatiser les guinéens cars, la solution se trouve au niveau des dispositifs sécuritaires qu’ils faillent mettre en place au niveau de toutes les Régions Administratives du pays. J’interpelle la classe politique à sensibiliser leurs militants au niveau de leurs bases électorales respectives sur les messages sanitaires, histoire de permettre à notre pays de retrouver sa sérénité.

En tant qu’ancien ministre, quel regard portez-vous sur l’évolution de la Culture guinéenne ?

A ce niveau, c’est un regard malheureux ! Parce que, quelqu’un qui a vu la Guinée de 1958 à 1984 et celle d’aujourd’hui, se doit d’être honnête et reconnaître qu’il y a une très grande différence. Parce que, aujourd’hui, si de 1958 à 1984 la culture guinéenne a bénéficié de toutes les attentions, de l’existence d’une politique culturelle nationale forte qui, d’ailleurs, a fait rayonner la Guinée sur le plan national et international. Parce que, vous n’êtes pas sans savoir que jusqu’à l’indépendance, il y a eu un embargo tous azimuts contre ce pays nouvellement indépendant. Il a fallu le Sport et la Culture pour que la Guinée puisse rayonner, voyager et se présenter avec une image positive. Malheureusement ! La navigation se fait à vue, il y a un manque d’attention de la part du Gouvernement au Secteur de la Culture. La preuve la plus palpente, c’est que après l’incendie du Ministère que nous avons cherché pendant la Transition, se trouve dans la rue car, installé dans l’enceinte du Musée National de SANDERVALIA.

Ce qui n’est pas normal pour un pays que je qualifie d’éléphant d’Afrique sur le plan culturel comme la Guinée. Nous avons été le pays qui a ouvert la voie à tous les pays africains à travers les Sory Kandia Kouyaté, Ballets africains,  le Bembeya Jazz, Balla et ses Baladins, Kèlètigui et ses Tambrouni, Aboubacar Demba Camara en sont des exemples illustratifs pour dire que tous les autres icônes de la Musique africaine, se sont inspirés de ces grands noms.

En Guinée, beaucoup d’hommes de la culture guinéenne meurent dans la détresse, dans l’oubli et dans l’abandon. Alors que ce n’est pas normal.

Actuellement, les Droits d’Auteurs ne sont pas payés comme il le faut. J’ai toujours dit qu’après Dieu, seuls les artistes qui créent. Donc, à ce titre, les artistes méritent respect et considération. Le président de la République qui est un homme de culture, je l’interpelle à travers votre site, pour qu’il s’inspire de la sagesse du Platon lorsqu’il dit: «  Pour conquérir un peuple, il faut conquérir sa culture… ». Donc, si Alpha Condé veut conquérir le peuple de Guinée, il n’a qu’à daigner conquérir la culture guinéenne et sa jeunesse et les femmes. C’est ce qui a fait la base d’un pouvoir. Depuis l’antiquité, cette thèse a été créée, défendue et soutenue. Je pense qu’en plein 21ème Siècle, il est de devoir de chaque gouvernant qui veut en tout cas, se maintenir dans son fauteuil et être royalement installé dans son Palais présidentiel, doit faire en sortes que la Culture soit une priorité.

Les Mines, l’Agriculture sont certes, des  priorités mais, ce sont des priorités qui viennent après la Culture. Parce que, les mines vont disparaître. Il y une technique qu’on appelle la Jachère en Agriculture. Lorsqu’un terrain est fatigué pendant deux ans, il faut le mettre au repos. Et en Culture, il n’y a pas de repos. Nous nous sommes les artisans de l’universel. Le président de la République doit s’inspirer de cela et de faire en sortes que la culture soit une priorité. Dès qu’il le fera, il sera tranquille dans son pouvoir et palais présidentiel. C’est un conseil que je donne au Chef de l’Etat, Pr Alpha Condé. Il doit tout mettre en œuvre pour que, notre culture soit réhabilitée et soutenue. Parce que nous méritons cela. Dans le domaine des Arts et de la Culture, il faut que la Guinée reprenne sa place sur le toit de l’Afrique.

Un coup de projecteur sur la situation sociopolitique guinéenne.

Bon c’est une situation politique que j’ai toujours dépeint comme le théâtre, l’entre choc des groupements ethniques. Moi j’appelle les partis politiques guinéens les groupements ethniques. Cela me rappelle les années 1945 lorsqu’il y avait des groupements ethniques en Guinée notamment, la Basse Côte, l’Union des mandings, les insulaires, l’Union des métis. Cela doit cesser immédiatement et que les partis politiques soient constitués sur la base des programmes de Société.

A vous entendre parler, le monde politique vous attire. Est-ce vrai ?

Très bientôt nous allons nous engager dans la politique pour que nous puissions donner une nouvelle vision, une nouvelle orientation à la vie de notre pays. Nous allons proposer dans cette dynamique, une nouvelle vision qui consisterait à construire des infrastructures socioéducatives, sportives et culturelles. Prenez l’exemple sur les malheureuses plages de Lambanyi et Rogbanè. Parce que, simplement, il n’y a pas d’espaces d’expression et de diffusion des œuvres artistiques et culturelles. Il faut que nous puissions avoir un palais de la Culture ou d’une valeur de 4 à 5. 000 places. Des stades de 50 000 places pour organiser des matches de football, des centres de lectures publiques ou des terrains de proximité pour les populations d’Hamdallaye, Cosa, Bambéto qui, pour moi, sont abandonnées.  Cette vision-là, est la nôtre pour une Guinée émergente. Et très bientôt, nous allons organiser une conférence de presse pour dire avec qui, nous irons aux présidentielles de 2015. En tout cas, nous avons décidé de nous engager dans la politique parce que, nous ne pouvons pas rester dans l’attentisme coupable. Sinon, un jour, c’est l’histoire qui nous jugera. Parler de la situation sociopolitique, c’est de dire que la Guinée brille par une mésentente entre les acteurs politiques. Chose qui n’est pas normale. Le président Alpha Condé, père de la Nation, doit continuer à tendre la main, malgré la réticence de certains caciques qui veulent pas voir la lumière. Parce que lorsqu’on est dans le mythe de la caverne, pour atteindre le bout de la caverne, il faut se débarrasser des médiocres car, la médiocrité accouche de la médiocratie. Donc, pour éviter que notre pays ne tombe dans la ‘’médiocratie’’ par la faute des médiocres, il faudrait que le président Alpha Condé daigne tendre la main continuellement, à ses frères de l’opposition.

Le Sénégal nous a donné une leçon de sagesse. Le président Wade a souvent appartenu au Gouvernement de Léopold Sédar Senghor et celui d’Abdou Diouf. Donc, cela est possible en Côte d’Ivoire où, Guillaume Soro a été Premier ministre, les Ahmed Bakayoko ont été les ministres de Laurent Gbagbo malgré toutes les violences postélectorales lors des élections de 2010. En Guinée, nous devons faire la même chose. Le pouvoir c’est un gâteau, il se partage. Et lorsque le pouvoir est partagé, vous êtes tranquilles. En tout cas, je souhaite une Guinée apaisée, une Guinée où les meilleurs seront récompensés. Qu’on lutte contre le régionalisme, le sectarisme, l’ethnocentrisme, bref, tous les mauvais ‘’ismes’’ qui font que la Guinée s’enfonce dans un coma profond et coupable.

On n’adhère pas à un parti politique parce qu’on est Soussou, malinké, peulh ou forestier. Mais qu’on adhère à un parti politique parce ce dernier a une vision.

Un petit mot pour clore notre entretien.

Je remercie votre site de m’avoir accordé cette interview. Je précise que je reste toujours à la disposition de la presse et ouvert à tout échange sur la culture qui pour moi, représente la priorité. La politique vient après la culture qui a toujours réussi où la politique a échoué. L’opérateur culturel, je le reste et demeure.

Propos recueillis par Sannou Camara

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