Les carottes semblaient cuites hier soir pour le général Dendere et ses troupes, à la tête d’un coup d’Etat au Burkina Faso depuis une semaine. Son régiment était encerclé à Ouagadougou par l’armée régulière, laquelle s’était enfin décidée à agir pour rétablir l’ordre constitutionnel. A l’heure où nous mettions sous presse, un bain de sang n’était pas exclu au vu de l’obstination de l’homme de main de l’ex-président Blaise Compaoré à rester au pouvoir.
Un acharnement qui a déjà entraîné une vingtaine de morts et plus de cent blessés dans les rangs des manifestants, selon les dernières estimations. Bravant les balles du Régime de sécurité présidentiel (RSP), la population burkinabè, jeunesse en tête, n’a pas hésité à bloquer les carrefours à Ouagadougou, à manifester par petits groupes dans les rues et à cesser pratiquement toute activité durant une semaine de grève générale. Les villes de province sont entrées dans la bataille, envoyant chacune des délégations pour prêter main forte à leurs concitoyens mobilisés dans la capitale. Si victoire il y a, aujourd’hui ou demain, le peuple burkinabé, une fois encore, ne le doit qu’à lui seul. Chargés à bloc après avoir déboulonné Blaise Compaoré en octobre dernier, les jeunes n’étaient pas prêts à voir leur révolution s’envoler pour les caprices d’un autre autocrate. Si l’armée a finalement tranché en leur faveur, après une longue période d’atermoiements, c’est avant tout en raison de leur mobilisation sans faille.
Les Burkinabè n’ont pas pu compter non plus sur la communauté internationale. Si le Conseil de sécurité a condamné unanimement le coup d’Etat, il s’en est remis à la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, appelée à jouer les médiateurs. Or celle-ci, menée par le président sénégalais, Macky Sall, a tranché en faveur des putschistes: sa proposition de «sortie de crise» n’établissait ni plus ni moins qu’une amnistie des auteurs du coup d’Etat, la possibilité pour les ex-collaborateurs de Blaise Compaoré de se présenter aux prochaines élections, voire l’annulation pure et simple des décisions prises par les autorités durant la période de transition. Soit l’essentiel des revendications des militaires du RSP. Autant de mesures inadmissibles pour la société civile burkinabè et pour la plupart des partis politiques. A noter que la France, l’ancienne puissance coloniale, amie du clan Compaoré, a appuyé à demi-mot cette issue inacceptable. La Françafrique n’a pas dit son dernier mot.
Tragique pour ses conséquences directes, qui se comptent en pertes humaines, ce coup d’Etat aura sans doute malgré lui un effet positif: celui de montrer aux yeux de la population jusqu’où le clan de l’ex-président était prêt à aller pour conserver son pouvoir. En cautionnant cette action violente, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de Blaise Compaoré, s’est tiré une balle dans le pied en vue des futures élections (prévues désormais en novembre). Gageons qu’il sera plus difficile aux cercles proches de l’ancien pouvoir d’acheter des votes comme par le passé. Ce putsch pourrait bien constituer le dernier soubresaut d’un monstre né de l’assassinat du président Thomas Sankara en 1987. Un excellente nouvelle pour la démocratie balbutiante du «pays des hommes intègres».
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BRAVO AU PEUPLE BURKINABÈ, vous êtes vraiment UN EXEMPLE que tout les AFRICAINS devraient suivre!