C’est une victoire pour lui. Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot s’est dit « fier » jeudi que la France ait « tenu bon » face à la nouvelle proposition de la Commission européenne de réautoriser le glyphosate pour cinq années supplémentaires, quand Paris souhaite trois ou, à la limite, quatre ans. « La France, ce [jeudi] matin, j’en suis fier, a maintenu sa position sur trois ans » au sujet de l’herbicide controversé, a déclaré le ministre, en marge d’un déplacement avec le Premier ministre Édouard Philippe à Paris. Les représentants des 28 États membres de l’UE ont une nouvelle fois échoué jeudi à s’accorder sur l’avenir du glyphosate, lors d’un vote qui n’a pas réuni la majorité requise pour renouveler pour 5 ans la licence de l’herbicide controversé. La nouvelle proposition de réautorisation faite par la Commission européenne, pour une période deux fois plus courte qu’elle ne le souhaitait initialement, n’a pas convaincu les pays les plus réticents, comme la France.
« On a franchi une étape, on était parti pour réautoriser dix ans, la France tient bon sur trois ans », s’est réjoui Nicolas Hulot devant les journalistes. « C’est normal que le passage de dix ans à trois ans ne se fasse pas de manière si fluide, mais on avance, on est en train de changer d’échelle », a-t-il souligné. Pour le ministre, qui avait prévenu que la France voterait contre l’échéance de cinq ans, « tout le monde a inscrit dans son logiciel qu’au-delà d’une réautorisation […], ce sur quoi il faut travailler, c’est comment […] on va s’affranchir de toutes ces molécules qui, de manière assez justifiée, occasionnent une défiance entre le consommateur et le mode alimentaire », a justifié l’ancien animateur de télévision.
« Comité d’appel »
Le ministre a de nouveau souhaité que la décision européenne sur la réautorisation du glyphosate, connu du grand public sous sa principale marque Roundup (groupe Monsanto), soit « assortie » d’un plan de sortie du marché de ce produit. « Effectivement, il faut un plan, sinon, dans trois ans, il ne se sera rien passé », a-t-il jugé. La Commission européenne a indiqué qu’elle allait désormais soumettre sa proposition à un « comité d’appel », alors que la licence actuelle dont dispose le glyphosate sur le territoire de l’UE arrive à échéance le 15 décembre.
Si le comité d’appel saisi par la Commission ne débouche toujours pas sur une décision majoritaire des États membres, la décision finale reviendra alors à la Commission. Mais le commissaire à la Santé Vytenis Andriukaitis a rejeté à plusieurs reprises l’idée d’assumer seul la responsabilité d’une décision de renouvellement, assurant qu’elle devait être « partagée » avec les États membres. Les minutes de la réunion à huis clos du 25 octobre, publiées par la Commission, montrent que les opinions diffèrent largement entre États membres, qui n’y sont pas désignés nommément. Deux avaient défendu une autorisation pour trois ans, un autre une « élimination progressive » dans les cinq ans. Mais « plusieurs » États membres s’étaient prononcés en faveur d’un renouvellement pour 15 ans et avaient ajouté que le compromis le plus bas qu’ils pourraient accepter était de 7 ans.
La déception de Stéphane Travert
Le ministre français de l’Agriculture Stéphane Travert a évoqué de son côté « une défaite pour l’Europe » après l’échec du vote, déclarant qu’il serait « fier » seulement quand l’UE sera d’accord sur un plan de sortie et d’accompagnement pour les agriculteurs. « C’est une défaite pour l’Europe car l’Europe n’a pas pu trouver une position », a estimé Stéphane Travert lors de l’émission Public Senat/AFP/Radio Classique/Les Échos sur Public Sénat.
« Je serai heureux et fier lorsque l’Europe aura réussi à se mettre d’accord et lorsque nous serons dans la sortie effective de ce produit et lorsque nous aurons trouvé les moyens d’accompagner les agriculteurs », a-t-il encore indiqué. « La position du gouvernement c’est quatre ans. Mon collègue (Nicolas Hulot, ndlr) a précisé qu’il souhaitait que cela puisse se faire en 3 ans. Mais la question aujourd’hui c’est que la France n’agit pas seule, elle doit aller chercher des alliés », a assuré Stéphane Travert.
Pour lui, « la position du gouvernement est claire, c’est trouver les conditions d’une sortie acceptable pour les agriculteurs et faire en sorte qu’on puisse les accompagner dans cette sortie ». « Quand j’avais proposé le 21 septembre dernier une période de 5 ans, ce n’était pas pour porter ensuite un autre renouvellement, mais une période de 5 ans avec un ‘phasing out’, une sortie », a-t-il rappelé.