Pham: Danger imminent en Guinée, et pourquoi cela est-il important ?

Peter Pham Directeur du Centre de l’Afrique au sein de l’Atlantic Council , dans un article publié sur le site internet (The Hill) qui est l’une des  destinations privilégiées des  parlementaires américains  et la maison blanche,  alerte les décideurs américains et notamment la Maison Blanche sur le danger que court la Guinée à l’approche des différentes échéances électorales

Alors que Washington reste préoccupé par les résultats et les conséquences de sa propre élection de mi-mandat, les décideurs américains pourraient être excusés de ne pas avoir assez réfléchi récemment sur des scrutins qui se tiendront ailleurs. L’Afrique, que l’administration Obama a décrit dans les documents de stratégie comme étant «plus que jamais importante pour la sécurité et la prospérité » des Etats-Unis , sera le théâtre de près d’une douzaine d’élections nationales dans les 12 prochains mois, dont les résultats pourraient avoir des implications importantes sur  la politique américaine et sur la communauté internationale dans son ensemble. Cela est encore plus vrai dans le cas de la Guinée .

La Guinée reçoit rarement beaucoup d’attention à Washington, sauf lorsqu’une crise éclate, comme récemment lorsque le pays est devenu l’épicentre de l’épidémie d’Ebola. Alors que La Guinée était un rempart de stabilité relative au moment où ses voisins incluant la Côte d’Ivoire souffraient de guerres civiles dans les années 1990 et au début des années 2000, elle ne sera peut-être pas aussi chanceuse dans sa marche vers des élections locales prévues dans les mois à venir et la prochaine élection présidentielle .

Récemment, les allégations ont indiqué publiquement que la victoire électorale du président Alpha Condé a été truquée avec la complicité des services secrets sud-africains. Cela survient dans un contexte où des propriétaires actuels du projet de Simandou –un grand projet de minerai de fer- revendiquent que leurs droits de propriété ont été expropriés pour récompenser des alliés politiquement connectés.

Au moment où la Guinée se prépare pour les élections locales ainsi que la présidentielle de l’année prochaine, la situation risque de devenir instable précisément à cause du manque de progrès social et économique du pays qui est directement liée à ses politiques dysfonctionnelles. Au moment de l’indépendance en 1958, le premier président du pays, Ahmed Sékou Touré, a rompu ses relations avec la France et s’est aligné avec l’Union soviétique, en poursuivant un programme marxiste révolutionnaire qui a détruit l’économie tout en réprimant brutalement toute opposition.

Pendant le règne du dictateur, des dizaines de milliers de personnes ont disparu dans le goulag africain du régime, y compris l’archevêque catholique de Conakry (la capitale), Raymond-Marie Tchdimbo, qui a passé près d’une décennie dans le tristement célèbre camp de concentration Boiro. Après la mort de Sékou Touré en 1984 – ironiquement, tout en recevant un traitement pour une maladie cardiaque à la clinique privée de Cleveland -, Lansana Conté, a pris le pouvoir au cours d’un coup d’Etat militaire. Conté a abandonné l’expérience socialiste de son prédécesseur, et au fil du temps, a ouvert à contrecœur l’espace politique dans le pays. Son propre quart de siècle de règne au pouvoir (il est mort en 2008) n’a apporté que peu de soulagement à l’extrême pauvreté qui était le lot de la grande majorité des Guinéens.

Des élections ont finalement eu lieu en 2010, qui ont porté le président actuel, Alpha Condé, au pouvoir. Les élections, entachées par des retards, les divisions ethniques et diverses controverses, ont été acceptées par une communauté internationale lasse. Condé, le vainqueur au second tour, avait remporté seulement 18 pour cent des voix au premier tour, par rapport à 44 pour cent pour Cellou Dalein Diallo, un ancien premier ministre qui est issu du plus grand groupe ethnique de la Guinée et qui avait un pacte électoral avec le troisième, un membre du troisième plus grand groupe ethnique.

Un « outsider » politique, Condé est arrivé au pouvoir avec peu d’expérience. Il a vécu la plupart de son temps en dehors de la Guinée, principalement à Paris, où il a donné des conférences universitaires sur des sujets comme «africain engagé » (le titre d’un de ses livres) et  » le néo-colonialisme américain » (le sous-titre d’une autre de ses œuvres). Alors qu’il a parlé de « une nouvelle ère » dans la politique guinéenne, la composition de son cabinet comprend plusieurs personnalités controversées d’anciennes juntes.

Peu de temps après son élection, Condé s’est tourné vers le financier milliardaire George Soros pour l’aider à réécrire les lois minières du pays, mais cela a conduit à un cercle vicieux de retards dans l’exploitation des ressources naturelles extraordinaires du pays – entre autres choses, La guinée détient deux-tiers des plus grandes réserves mondiales de bauxite et d’énormes quantités d’or, de diamants, de minerai de fer, de graphite, de manganèse et d’autres ressources minérales qui font que la Guinée est potentiellement l’un des pays les plus riches en Afrique – pour relancer son développement et créer des projets prêts à démarrer afin de créer des emplois et stimuler la croissance économique.

La situation depuis l’élection de Condé n’a pas inspiré confiance. Des membres d’anciennes juntes ont été accueillis. Les élections législatives, qui devaient se tenir dans les six mois de l’inauguration en Décembre 2010, ont été reportées à plusieurs reprises. Et maintenant Condé est confronté à une poursuite de plusieurs millions de dollars devant un tribunal fédéral américain qui cherche à exécuter une décision de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, la plus haute juridiction sur le droit commercial d’un organisme régional de l’Afrique composée de 16 membres dont la Guinée est membre. Selon la poursuite le régime a illégalement annulé un contrat de gestion du port avec la compagnie de fret français Getma international.

Pour être juste, Condé a hérité d’une situation macro-économique lamentable. Tant la fonction publique et les militaires ont reçu des augmentations salariales multiples – les déficits budgétaires résultants ont été financés en grande partie par la banque centrale ayant pour effet d’augmenter la masse monétaire, complétant ainsi le cercle vicieux.

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