Dans le séjour que le président Alpha Condé achève ce samedi à Dakar, il y a quelque chose de franchement surréaliste. C’est le fait que tout le monde se soit mis en tête de croire que le chef de l’Etat y réellement pour promouvoir une certaine réconciliation entre les deux pays. C’est d’autant plus ahurissant que des médias internationaux tels nos confrères de RFI relaient cette version qui est tout sauf conforme à la réalité des faits. Alpha Condé y est pour des raisons de campagne. L’idée étant de déstabiliser, ne serait-ce que d’un point de vue symbolique et psychologique, sont principal adversaire qu’est Cellou Dalein Diallo, archi-favori dans cette capitale sénégalaise.
Le premier élément incohérent dans la mise en scène du camp présidentiel, c’est le caractère plutôt disproportionné qu’on a voulu donner à cette supposée réconciliation. Que le président se déplace au Sénégal pour essayer de faire oublier la brouille autour de l’épidémie à virus Ebola, c’est tout à fait logique. On aurait pu le faire avec n’importe quel voisin. Mais que des émissaires soient d’avance expédiés à Dakar. Qu’ils soient allés avec des sommes astronomiques. Qu’un concert ait été concocté et entièrement pris en charge par la partie guinéenne. Que des spots publicitaires soient réalisés et que des médias sénégalais aient soient grassement conditionnés. En voilà qui dépasse largement une simple réconciliation. En tout cas, il ne doit pas s’agir d’une réconciliation relative à la dernière brouille. D’ailleurs, pour peu que l’on se rappelle, cette réconciliation-là avait été scellée lors du sommet de l’OIF. Alpha Condé et Macky Sall s’étaient alors rencontrés au palais présidentiel sénégalais pour chasser le nuage qui commençait à s’amonceler entre les deux pays.
L’argument de la réconciliation est d’autant plus douteux que le Sénégal ne présente pas des indicateurs économiques qui justifient que la Guinée le courtise ainsi. Ç’aurait été la Côte d’Ivoire, on aurait peut-être un peu plus compris. Mais l’atout-maître du Sénégal, c’est l’arachide dont la Guinée n’est pas particulièrement friande. La Guinée équatoriale étant par ailleurs, le candidat le plus attractif.
Et par rapport à la question sécuritaire, nos voisins sénégalais ne sont pas non plus une foudre de guerre. S’ils ont jusqu’ici échappé aux terroristes, c’est davantage lié au fait que le pays ne se laisse aller à aucune polémique de nature à le placer dans l’œil du cyclone. En raison de la nature terroriste de la menace que le président de la République, a lui-même mise en évidence, il est davantage utile de discuter avec Nigériens, Camerounais ou encore Tchadiens. Ils ont davantage d’expérience et d’expertise.
Enfin, pour qui connait relativement le président Alpha Condé, il est plutôt difficile de croire en une si brusque remise en question de sa part. Parce que, faudrait-il rappeler qu’il est de loin celui qui avait attisé sur les braises, au moment de la brouille diplomatique. C’est lui, on s’en rappelle encore, qui avait refusé que l’avion ramenant le jeune guinéen guérit d’Ebola, atterrisse en Guinée. C’est encore lui qui avait dit des Sénégalais, qu’on les nourrit, ils nous ferment les frontières. C’est également lui qui, face aux conséquences de la fermeture de la frontière par la partie sénégalaise, avait promis aux paysans de la Moyenne Guinée qu’il construirait des usines pour transformer leurs tomates en purée et leurs pommes de terre, en chips. A l’époque, des voix, minoritaires il est vrai, s’étaient élevées pour dénoncer une escalade verbale des plus inutiles. Mais le chef de l’Etat n’avait rien voulu comprendre.
Alors, quand aujourd’hui, ils décident que ces mises en garde étaient fondées, les gens ne devraient pas se laisser abuser par la supercherie.
Anna Diakité, www.kababachir.com
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