Lansana Kouyaté et Sydia Touré ont signé récemment une déclaration de convergences de vues sur la situation sociopolitique, économique et sanitaire du pays. Depuis, des supputations par-ci, des commentaires par-là. Ça s’anime et ça spécule. Mais en réalité, que cache vraiment ce rapprochement si c’en est un ?
« La politique, ce n’est pas compliqué, il suffit d’avoir une bonne conscience, et pour cela il faut juste avoir une mauvaise mémoire ! » Les deux hommes politiques, tous les deux anciens Premiers ministres semblent s’inspirer de cet enseignement en tentant un rapprochement, à travers cette déclaration conjointe. Lansana Kouyaté s’est en effet toujours opposé à la venue à l’Assemblée de ses pairs de l’opposition républicaine. Il les a tancés, blâmés, arguant qu’il reste derrière sa parole, celle qui consiste à ne pas cautionner des joutes bâclées donc de légitimer un pouvoir autocratique mené par Alpha Condé.
De longs mois après cette prise de position du leader du PEDN, c’est à une sorte d’embellie qu’on assiste. Les leaders politiques contre qui il a jeté la pierre, il se meut vers eux ou vice-versa. Le cas avec Sydia Touré reste quand même intrigant. En effet, le rapprochement intervient au moment même où l’autre allié du patron de l’UFR – Dalein Diallo – a ouvertement affiché ses ambitions pour conquérir la Basse-côte, une partie de la Guinée, supposée être la chasse gardée de l’UFR. Malheureusement pour l’UFDG, il n y avait pas la manière à Chicago : un discours taxé de communautariste provoque une vive levée de boucliers. La suite ? Sydia se démarque de son allié. Extrait : « Si nous sommes dans un débat politique, dans ce cas le communautarisme n’a pas sa place ou c’est un débat communautaire, comme vous le savez, je n’ai pas l’habitude de communiquer sur ce sujet. La Basse Guinée dont je suis ressortissant n’est engagé après d’aucune communauté pour en combattre une autre. Cela est contraire à tout ce que l’on a toujours prôné dans cette région, qui est le vrai creuset de l’Unité nationale de notre pays. » Sydia Touré précise tout de même : « Je reste foncièrement opposé au RPG et à la politique imposée par son leadership à la Guinée, mais bien sur que cette opposition ne s’étend à aucune communauté de notre pays».
Pouvait-on s’attendre mieux quand on sait que l’auteur du discours-polémique constitue une forte menace pour Sydia dans son fief de la Basse-côte ? Le président de l’UFR a eu tout le loisir de créer sa distance par rapport à la bourde de Chicago et donc de tenter à resserrer les rangs de son parti. Pendant qu’il est encore temps, il tend la main à Kouyaté sentant le divorce très proche avec Dalein. Conscient des enjeux, Sydia Touré calme le jeu : « L’objectif c’est d’animer la scène politique. Il n y a rien de nouveau dans cette déclaration signée avec Lansana Kouyaté. On n’en est pas à la candidature unique. (…) notre pays est dans une situation déplorable. La solution c’est l’alternance en 2015 », tente de convaincre le leader de l’UFR. Avant de conclure : « Il faut changer la question de leadership en Guinée ». Comme quoi, Dalein aura beau faire pour nier ses propos mais, la balle est partie et il faut l’assumer : « J’ai dit que dans le combat pour la fraude avant et pendant les élections, le soutien des habitants de la Basse Côte pourra être très utile dans la mesure où ces citoyens-là sont aussi déterminés à œuvrer pour le changement. Et, dans ce combat, puisqu’il faudra mener un combat, pour exiger que des conditions d’un scrutin transparent et crédible soient réunies- c’est ce combat que l’opposition mène- l’adhésion massive des ressortissants de la Basse Guinée à l’UFDG pour participer à ce combat, pourra être d’une grande utilité. C’est de ce combat-là que je parle. On a dit que j’ai parlé de guerre, je n’ai pas parlé de guerre. C’était en langue nationale, c’est un combat. »
Une question tout de même : que pourra apporter le PEDN à Sydia Touré si ce n’est une coloration transversale juste pour dire que l’UFR c’est toute la Guinée ? Ce mariage en pointillé risque tout aussi d’accoucher un échec, duquel échec Condé tirera grand profit.
Jeanne FOFANA, Kabanews